L'honneur du doigt

Mon mari est le pire mime que je connaisse et je l’ai informé que si jamais, nous devions jouer au Pictionnary (jeu, pour ceux qui me liraient dans un futur lointain où l’unique occupation un tant soit peu ludique consisterait à ruser son voisin pour lui dérober sa réserve d’eau, qui consiste à faire deviner un mot en le dessinant…dessin = trait noir grossier, hachuré ou élégant suivant le degré de doigté de la personne tenant le crayon, appliqué sur une feuille de papier… papier = texture pâteuse, lissée, mélangée à la chaux ou non suivant son degré d’adhésion aux directives écologiques, obtenue à partir majoritairement d’un chouillamini fait aux arbres…arbre = des sculptures en métal tordu, soudé et prochainement mis en vente par mon cher époux pour agrémenter vos circuits de modélisme ferroviaire), je ne le prendrais pas comme partenaire (le rapport entre le dessin et le mime, aucun si ce n’est que c’est la seule moquerie qui a jailli de mon cerveau qui n’a pas toujours les bons éclairs de génie pour servir mon présumé humour.).

            Nous étions tranquillement attablés en famille en train de gaiement discuté sur un mode sonore légèrement au dessus des normes décibels autorisées, lorsque ma fille fière de son 20 en dictée préparée (dépitée ensuite quand je lui ai annoncé que si depuis le début de l’année elle avait progressé, maintenant sa prochaine note ne pourrait pas être supérieure…ma fille a quelques difficultés avec les chiffres….) nous a déclamé son cours d’anglais (dans notre famille, nous sommes champion du coq à l’âne). Son frère, fier de son 18 en oral d’anglais (son prof devait faire une otite parce que son anglais ressemble à celui proféré par une vache espagnole en visite à Oslo pour un colloque de linguistes chinois parlant le javanais) a voulu faire le malin et tester son vocabulaire. Il lui a demandé ce que voulait dire « under ». Mon mari, qui était sorti de table (je ne sais pas si vous réussissez à garder toute votre petite famille autour d’une table pendant tout un repas ; moi, il y en a toujours un qui finit pas se glisser sous une chaise ou se lève et reste fasciné devant le réfrigérateur ouvert, suffisamment pour que le lutin chargé d’éteindre la lumière écrive à son ministre pour exiger une augmentation de salaire, vu la perturbation occasionnée sur ses heures de sommeil ou se souvient subitement qu’il a une envie pressante d’aller aux toilettes ou hurle des poings parce qu’il veut regarder un DVD ou dans le cas de mon mari, essaye de s’éloigner subrepticement d’un lieu où il n’entend plus ses cheveux chuter de son crâne) ; bref, je vois mon mari, sorti de la partie de quiz, faire de grands signes, tel un pantin désarticulé qui battrait du beurre tout en jouant du flipper et en tenant l’index en l’air pour savoir d’où vient le vent. Je vois le visage de ma fille se décomposée et choquée, elle s’écrie « il me fait un doigt d’honneur ! » ; Mon mari était en train de mimer le mot « sous » avec les doigts qu’il avait à sa disposition et il effrayait une pauvre innocente de 9 ans !… Le quiproquo fut levé mais la scène fut chaude. Nous en fûmes quitte pour une bonne crise de rire aux dépens d’un mari confit qui, bonne pâte, tenta de me mimer ce matin le fait qu’il allait prendre la douche, chose qu’il effectue chaque matin, à la même heure, j’avais donc un bon indice, mais je lui ai signalé que les télétubbies étaient plus explicites ; il en est devenu rouge comme Pô (Pô rouge m’a toujours fait marrer, au moins au début, après vous vous surprenez à vous enthousiasmer bien plus que les gamins devant les danses gesticulantes de bidules qui ont moins de vocabulaire qu’une star académicienne moyenne, et vous allez vous désintoxiquer en regardant la potiche dans la Roue de la Fortune).