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je vis, je dis, je ris ...ou pas
21 mai 2010

Noir, c'est café noir

Souvenirs, souvenirs. C'était du temps où je n'étais lestée que d'un seul enfant, un enfant adorable, poli, à peine un caprice par jour, dont jamais je n'aurai deviné qu'il se transformerait en un ado contrariant, s'opposant en tout même lorsqu'il s'agit de l'inviter à jouer une partie de billard, suintant de partout, offrant un odorama varié servant à marquer son territoire et à éloigner toute marque d'affection, restant pourtant des heures sous la douche (hebdomadaire, faut pas exagérer) pour dénombrer ses poils naissants....

J'ignorais alors que déjà je portais les germes d'un deuxième cataclysme qui deviendrait une gamine aux pantalons trainant par terre pour qu'ils ne soulignent pas  sa taille (prions pour que ce rejet de féminité dure au moins jusqu'à ses 16 ans). Surtout, j'étais à la recherche d'un premier emploi, un vrai, pas celui que j'effectuai depuis presqu'un an et qui consistait à s'esquinter le dos en surchargeant les boîtes aux lettres par toutes sortes de publicités qui ne me rapportaient même pas le prix que me coûtait l'essence dépensée au cours de mes tournées. J'étais au chomage depuis deux ans et je n'avais reçu aucune nouvelle de l'ANPE ( agence nulle pour escompter travailler), à peine une lettre pour me féliciter d'avoir eu les compétences nécessaires pour m'inscrire dans leurs statistiques. Et puis, ils ont dû retrouver ma trace puisqu'ils m'ont convoqué gentiment, sous peine de radiation, à participer à un plan de réinsertion des chômeurs ultra - diplômés mais incapables de se dégotter un job. J'ai sauté sur l'occasion pour donner ma démission au directeur de distribution qui de toute façon commençait à me ferrer parce qu'un anonyme de concierge m'avait dénoncé pour balancer mes surplus de prospectus à la poubelle où ils auraient fini de toute façon (j'avais une petite 104, 3 portes à l'époque et si j'avais conservé d'une semaine à l'autre les pubs non distribuées, sachant qu'il fallait aussi y coincer un gosse et une poussette, j'aurais été quitte pour faire mes courses à pied. Je faisais bien mon boulot, si on peut appeler ça un boulot, j'en garde une cicatrice de guerre : la morsure d'un chien tellement bien éduqué qu'il ne supportait pas la vision de ce qui ressemblait de prés ou de loin à un facteur ....ou un grand fan de Garfield).

Cette formation a permis à Hippolyte d'enrichir son registre lacrymal ; j'entends encore ses hurlements si touchants lorsque le matin, je le laissai aux mains d'une nourrice embauchée pour l'occasion (c'est bien connu, lorsque l'on trouve un emploi bien rémunéré, il faut s'empresser de réduire ses avantages en embauchant une nourrice et ne plus se contentait d'une mère aux services gratuits mais non disponibles pour un temps plein). Par la suite, il saurait m'offrir un spectacle encore plus dramatico - tragédien lors de sa première rentrée scolaire et les deux mois suivants, sachant  s'aggripper aux portes, poignées, genoux pour m'empêcher de le sacrifier sur l'autel de la socialisation ; un jour, il faudrait même 4 personnes pour le retenir de s'enfuir de l'enfer personnifié par un centre de loisirs où,une fois mes larmes enfouis dans la voiture, il s'amuserait à expliquer à ses compagnons toutes les subtilités de la scène 1, acte 1 de la culpabilisation. 

Cette formation avait pour but de nous remuer et nous remotiver en nous donnant les astuces pour décrocher le Saint Graal : un patron suffisamment inconscient pour donner sa chance à des théoriciens, s'étant trouvés si bien sur les bancs de l'université qu'ils en étaient sortis bardés de diplômes mais ne sachant retirer de leurs doigts que la carte bancaire rejetée pour cause de crédits insuffisants. Bref, des handicapés manuels. Nous avions trois mois pour socratiniser, apprendre à nous connaître et deviner, à l'aide de jeux de découpage, de coloriage, le travail qui nous conviendrait. Heu, à part colleur d'affiches, je vois pas !

Au bout de deux mois, nous devions effecter un stage auprès d'une entreprise qui accepterait de nous prendre sous la foi que nous avions eu la révélation et que c'était chez eux que nous allions découvrir notre moi profond et démontrer nos compétences en découpage et coloriage. Plouf, plouf et si je devenais éducateur en mission locale. Celle de M. accepte de m'accueillir, enfin sur le papier car lorsque j'arrive telle la perle rare, l'huitre se referme sur mes espérances : le directeur n'est pas là, la secrétaire me regarde comme une apparition malveillante, aucunuement mentionnée sur son agenda fourni. Je dois donc patienter jusqu'à ce qu'un éducateur ait pitié de moi et ensuite l'équipe se partagera le morceau sans jamais vraiment m'ingérer, me confinant à une rôle d'observation pour ensuite me le reprocher. Chaque jour, prendre le train était un calvaire, je maudissais la sncf de n'être pas suffisamment en retard, de ne pas savoir faire grève quand il le fallait. Je trainais des pieds jusqu'à la mission où l'éducateur devant me coltiner soupirait avant d'accueillir des jeunes aussi paumés que moi, souvent catégorisés avant d'ouvrir la bouche, déjà condamnés à la débâcle s'ils étaient de telle ou telle famille.

Plus tard, il m'arrivera souvent d'aller au travail à contre coeur, sauf les jours de neige où je serai heureuse d'être parvenue vivante à un endroit pas si sûr que ça mais au moins sans risque de dérapage incontrôlé. Mais jamais autant que ces jours où le sauvetage se transformait en noyade, où des personnes supposaient ouvertes me renfermaient l'une après l'autre les portes de mon avenir pour me renvoyer à mon incapacité de trouver un rôle dans une société sachant très bien se débrouiller sans moi, me confirmer mon inutilité (ne sortez pas les mouchoirs, je m'en suis sortie, je vous rappelle que je suis fonctionnaire !). Un matin, , un jeune homme s'approcha de moi (peut être attiré par ma triste figure croyant y lire une mystérieuse aventure tel Don Quichotte s'illusionnant que de vulgaires moulins allaient lui apporter la gloire) et m'offrit de boire un café avec lui. Je sautais sur cette planche de salut non pas tant que le garçon me plaisait (je n'ai même pas pris le temsp de le jauger) mais pour retarder mon martyr laborieux. Le jeune homme à peine installé commanda deux cafés, ne me laissant pas le choix de préférer un thé ; mon supplice ne se terminerait donc jamais...non seulement il me faudrait entrer dans cet antre exécrable où je subirais l'humiliation supplémentaire d'arriver après tout le monde mais encore il faudrait que je boive jusqu'à la lie ce breuvage détestable....Je fis une telle moue que le garçon me laissa le quitter sans regret.

Conclusion : quand vous croyez avoir touché le fond, le marc vous le confirme.

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