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je vis, je dis, je ris ...ou pas
30 mai 2010

Le magret de Maigret

Le commissaire Poulin était fatigué. Il devait s’asseoir, là et las, tout de suite. Cette journée n’en finirait jamais. Il referma la porte de son bureau, s’agrippa à son bureau, jeta un regard vide par la fenêtre où n’apparaissaient que quelques barreaux dont certains légèrement limés. Il devait prendre un remontant. Il s’assit sur la chaise bancale qui l’accompagnait depuis le début de sa carrière comme jeune lieutenant aux dents longues et aux oreilles décollées. Il appuya sur le levier et remonta de quelques centimètres. Voilà, il se sentait déjà mieux, il prenait de la hauteur. Compulsivement, il saisit son stylo et porta le capuchon de sa bouche : il essayait d’arrêter le portable, trop d’appels de sa femme. Ce boulot le tuait à petits feux, comme sa femme savait rendre un cassoulet immangeable à petits feux. En sus de devoir supporter les rediffusions incessantes de feuilletons policiers qui rendaient son quotidien bien terne (cela faisait 20 fois qu’il regardait l’épisode où Maigret découpe un canard, il lui fallait toujours attendre les dernières minutes pour découvrir où était caché la télécommande : sa femme détestait quand il zappait), il avait mal au bide. La prochaine fois qu’elle lui servait du cassoulet trop cuit…. il le lui dirait. Mais cette fois, il tenait une bonne affaire qui allait peut être lui permettre d’obtenir le grade de commandant : une bonne veste bien taillée qui lui donnait l’allure d’un général. Sa femme l’avait dénichée dans un grand magasin où elle évitait d’habitude de mettre les pieds parce qu’elle les lui cassait assez avec son uniprix par ci, uni prix par là, mais là sur un coup de colère contre une caissière qui avait omis de décoller le bon de réduction de 20 cts sur son pack de 4 yaourts à la vanille (ceux qu’il détestait en plus), elle avait franchi les portes du temple, s’était précipitée sur le premier portant à sa portée, jeté la veste (car c’était LA veste) sur le tapis roulant de la caisse et un regard hagard sur une hôtesse au sourire malicieux, fait le signe de croix avant de saisir le code de sa carte bleue puis s’était retrouvée, hors d’haleine (celle – ci étant assez épaisse pour lui servir de repoussoir), sur le trottoir, effrayée de n’avoir point été foudroyée. Elle avait pris la bonne taille, c’était l’essentiel car elle refusait de retourner dans cette sodome où les caissières pouvaient tribuler, selon ses termes et il imaginait des femmes lascivement moulées dans leur body noir, soufflant sur des tridents moites d’humidité pour en soutirer des bulles vite retombées.

La sueur lui vint au front. Il faisait une chaleur à crever dans ce bureau. Pourtant, il l’aimait ce bureau, qui remplissait à merveille son rôle de rempart du crime contre sa tranquillité. Il prit un long mouchoir jaunâtre pour éponger ce front qui abritait la meilleure arme qu’il connaissait pour résoudre les pires énigmes épineuses,  sans cesse plus ardues que posées son cruciverbisateur préféré ( ses définitions étaient toujours à côté de sa plaque de police et il appréciait, entre deux cadavres, de se méninger une pause mots croisés et plus jamais vus) = ses lunettes, qu’il aimait ainsi portées au dessus du crâne pour pouvoir les dégainer dés que la situation l’exigeait (et c’était souvent car il était très myope). La journée avait été bien rude et il prenait plaisir à ce moment de détente, desserrant peu à peu l’étau de son pantalon qui le boudinait un peu (trop de cassoulets). Lorsque le bouton sauta, la lumière fut et son adjoint, prenant à peine le temps de frapper (ce qui suffit pour lui laisser une marque sur la joue gauche), entra en trombe dans son antre.

« Commissaire, j’ai la liste des dix suspects, susceptibles d’avoir causé la mort par strangulation, puis éventration, puis noyade de Mme Eve Reste – Pagranchause.

- Colvert, pouvez – vous cesser d’agir comme tout policier qui ne respecte rien et vous asseoir calmement en face de moi. Tenez et prenez un thé. Posez cette tasse, vous tremblez comme si vous veniez de découvrir votre premier tiers. Ah, une mort n’est jamais facile à supporter, surtout quand vous devez porter le cercueil. Je me souviens de mon premier cadavre, c’était un pauvre chat écrabouillé par un camion de pompier, il y avait de la cervelle partout, juste sur la robe de la grand-mère qui gisait, terrassée par une crise cardiaque et sur le vélo de la pauvre gamine qui avait percuté le lampadaire en voulant éviter la roue échappée d’un bus entré en collision avec un train. Je m’en souviendrais toute ma vie parce que parmi les rescapés, un japonais a bien voulu me prendre en photo à côté de ce pauvre être sans défense. C’est cette photo là à droite de mon écran… Eh, Colvert, si vous voulez vomir, merci de le faire ailleurs que sur mon tapis…J’ai dû écrire vingt fois au ministère pour obtenir une femme de ménage qui vienne deux fois par semaine, je n’ai pas envie qu’elle démissionne, il est stipulé sur son contrat que toute poussière supérieure à la densité du sang doit être absolument bannie. Bon Colvert, je ne retrouve pas mes lunettes (je sais qu’elles sont sur mon front, merci), lisez moi votre liste de suspects pendant que j’écoute les pronostics de bison futé.

- Bien Commissaire.

            Suspect n°1 : Dr Marabou Boudficel. Voici sa carte. Il prétend être aller chez Mme Reste, vers 7 H30, pour aller lui réclamer un coq qu’il lui aurait livré vivant la veille afin qu’elle exorcise ses rides qui lui gâchaient l’existence (maintenance c’est plutôt le manque d’existence qui lui gâche ses rides). Il parait que rien de tel que le sang frais d’un coq, égorgé sur le coup de minuit une nuit de pleine lune pour revigorer une peau défraichie à la Briguitte Darbot (dire qu’elle était si belle, vous vous souvenez dans  « il était cent fois la femme », maintenant c’est plutôt « elle était sans foi l’infâme »…pardon, commissaire. Je ne savais pas que votre femme était la cousine du coiffeur de la voisine du propriétaire qui avait donné sa jument à BD). Bon, il voulait récupérer le coq car en fait c’était une poule. Il s’en ait rendu compte en allant chercher son œuf quotidien ; en soulevant la poule, rien…forcément c’était un coq. Il a couru jusqu’à la maison de Mme Reste qui a refusé de lui ouvrir sous prétexte qu’elle s’était liée d’amitié avec la poule et qu’elles étaient justement en train de deviser sur la question de savoir s’il valait mieux être plumé que plumé. Je pense que c’était un jeu de mot et que Mme Reste s’était rendu à la raison carthésienne. Nous n’avons pas retrouvé de poule sur le lieu du crime, cela aurait été pourtant un témoin capital. M. Marabout a mis les bouts, il s’avère s’être volatilisé.

            Suspect n°2 : M. Gardmon Bonus, banquier de Mme Reste. Il est venu lui confirmer, vers 8H30, que son assurance vie ne valait plus rien et que si elle mourrait (funeste prédiction), son fils toucherait juste le fond (pas un bon emplacement à mon avis). Il avoue qu’elle a beaucoup pleuré, gémi, puis s’est emporté, s’est mise dans une grande colère, elle lui a même saisi le bord de son col pour le menacer de finir égorger comme un coq. Il dit avoir eu grand peur car c’est une veste Armani et que même si ses primes sont restées stables et qu’il peut même espérer une petite gratification pour le dossier Reste, vu qu’il lui a assuré qu’aucune action n’était possible et que sa banque ne pouvait lui rembourser les sommes versées, et franchement sa mort l’arrange bien parce que n’importe quel avocat aurait pu faire tout annuler, il n’aurait jamais pu se la racheter car c’est un modèle introuvable. Il est parti, un peu froissé, vers 10 H15

            Suspect n°3 : Mme Safé Painpli. Prétend être la factrice. Elle dit passer tous les jours, vers 10h30, 11h00, en fonction du nombre de lettres à distribuer. J’ai vérifié. Il y a bien une Safé Painpli  parmi les employés de la Poste et elle semble correspondre aux descriptions glanées ici ou là auprès des employés postaux qui sont censés être ses collègues et du voisinage. Il en ressort que Mme Painpli est affable, toujours ponctuelle, de bonne composition, surtout écrite. Cela en fait donc une coupable idéale puisqu’on lui donnerait le bon dieu sans confession, or elle est musulmane et qui dit musulmane dit arabe et qui dit arabe dit téléphone arabe et qui dit téléphone dit terrorisme dans le but de déstabiliser le concurrent postal en prétextant apporter des colis à de pauvres femmes esseulées que la vue d’une factrice réconforte au point de leur offrir un café turc. C’est peut être ce dernier point qui a fait que Mme Painpli n’a pas tenté de meurtrir Mme Reste car il apparaît que Mme Reste était vivante lorsque Mme Safé lui a fait signer le recommandé. Nous avons retrouvé le colis, il était vide ; des analyses sont en cours pour savoir ce qu’il contenait. Le recommandé dont nous avons été expertisé la souche stipule qu’il aurait été envoyé par Vicky Suchet-Pastille, femme du Dr Suchet, l’inventeur de la passoire à bec verseur. J’en ai acheté une à ma mère et elle s’en sert pour décorer le haut de son buffet. Nous n’avons pas réussi à joindre Mme Suchet qui serait internée suite à la mort brutale de son amie, nous allons porter plainte pour obstruction à la justice.

            Suspect n°4 : Sandra Nitoit, femme SDF, qui prétend avoir profité de ce que la factrice n’ait pas poussé correctement la porte pour se faufiler dans l’immeuble. Elle a fumé une clope, jeté le mégot sur le paillasson de M. René De Foi (nous l’avons retrouvé complètement écrasé par les différents intervenants venus intervenir pour une raison ou pas du tout sur le lieu du crime, je parle bien sûr du mégot pas de M. De foi qui a assuré n’avoir rien entendu vu qu’il n’est pas sourd et que s’il y avait eu du bruit, il aurait crié plus fort. M. De Foi est un grand écrivain, il a écrit « les bataillons des oreillers à plume d’oie » et « les anges ont disparu comme mon envie de baiser ». Je ne connaissais pas mais il m’a donné dix exemplaires de chaque pour que je puisse diffuser ses bafouilles, comme il dit. Charmant gaillard !). Elle a ensuite monté les escaliers, a loupé une marche, a chuté en brisant la bouteille de vin rouge qu’elle portait dans son cabas (nous avons en effet trouvé une traînée rouge que les experts considéraient comme du sang, jusqu’à ce que j’y goûte, un sacré mauvais pinard voulez mon avis. Mme Reste serait sortie à ce moment là, lui aurait dit qu’elle allait faire des courses sinon lui aurait bien proposé de venir chez elle prendre une douche. Mme Nitoit l’aurait suivi, non point dans le but de l’agresser, mais pour lui extirper 1 euro, pour s’acheter une baguette (comme si une baguette coûtait un euro, rien qu’une voleuse, je vous dis ! Ah, une baguette coûte un euro, c’est ma  mère qui achète le pain, moi j’achète le journal, des fois que je serais dedans). L’air frais  l’aurait toute étourdie et se serait écroulé devant un garage pour se reposer. Le propriétaire de la maison lui aurait roulé dessus d’où les nombreuses ecchymoses qui couvrent la partie gauche de son corps. Cela semble bizarre, elle est droitière.

            Suspect n°5 : M. Bo Coude - Reste, fils de Mme Reste-Pagranchause. Il déclare être venu voir sa mère vers midi et être resté mangé avec elle car elle avait préparé son plat préféré, un coq au vin. Sa mère lui a semblé en forme, aussi dynamique que d’habitude puisque, lorsqu’il l’a quitté, elle se préparait à mettre un DVD de Jane Fondu pour effectuer une petite gymnastique digestive. M. Reste fils ressemble fort peu à sa mère, heureusement pour lui car elle ressemblait à un trognon de pomme tout bleu et garni de pépins sanguinolents. Les meurtriers pourraient penser aux flics qui passent derrière et rendre leurs victimes plus présentables. Ma mère se plaint que je ramène des odeurs malsaines, je prends pourtant une douche en rentrant et une douche avant de me coucher mais rien à faire je sens encore le macchabée. M. Reste, lui, m’a semblé peu perturbé par la mort de sa mère, peut être est – ce quand je l’ai vu, il ne savait pas encore que sa mère était trépassée et pour ne pas lui faire de peine, et qu’il garde une bonne impression de moi (il est peintre et a accepté que je lui serve de modèle pour son prochain triptyque qui s’intitulera « les raisins de la collecte », je serai une grappe verte, tout anxieuse dans l’attente d’être saisie par une main trop pressée), j’ai préféré qu’un autre, moins compatissant, s’en charge. Le mobile pourrait être qu’il a mal digéré le coq qui était trop tendre.

            Suspect n°6 : Melle Jenny Senbouyir, gamine de 14 ans, mais déjà bien formée pour son âge, même que c’est ma mère qui lui a demandé ses papiers parce qu’elle refusait que j’aille lui payer un verre. Oui, je l’avais amené chez moi car elle me semblait toute bousculée, cette petite et j’ai pensé que c’était le rôle des forces de l’ordre de montrer leur sens de la courtoisie en ne laissant pas de frêles jeunes femmes enfermer dans de sordides commissariats pour subir un interrogatoire musclé de la part de collègues beaucoup moins sensibles que moi. Dommage qu’elle soit trop jeune…Je ne l’ai pas touchée, Commissaire. Ma mère était présente de toute façon. Je me dis bien qu’il faudrait que je songe, à mon âge, à acquérir un bien immobilier pour y fonder une belle et noble famille fière de posséder un des fleurons de la justice en ses murs,  mais il faudrait pour cela que la police reconnaisse ses fleurons à leur juste valeur et que ces derniers sachent semer leur mère, ce qui n’est pas facile, croyez – moi, la mienne me tient par l’estomac, la machine à laver et la télévision qu’elle me permet de regarder tard le soir. La gamine, donc, est passée, vers 14h00, pour vendre des cookies au profit des enfants qui vendent des cookies. Elle a d’abord sonné chez M. De Foi qui n’a pas ouvert parce qu’il n’aime pas les cookies, les gamines de 14 ans qui font plus vieilles et il n’était pas chez lui, il était parti promener son labrador, une belle bête de 40 kg, qui ne mange que de la viande fraîche qu’il va acheter exprès chez le boucher, lui, il se contente de boites de cassoulet. Je vois que vous connaissez, M. le Commissaire. Elle s’est ensuite dirigée vers l’appartement de Mme Reste, mais là elle a entendue de drôles de bruits, des sortes de halètements, suivi de sifflements, de grandes inspirations et des martèlements sur le sol, puis après un grand râle, le silence. Apeurée, elle a approché son oreille de la porte pour se rendre compte si elle devait appeler les secours. Mais après un certain temps, elle a entendu un réfrigérateur s’ouvrir et un choc de verre. Ne demandant pas son reste ( ni après ceux de Mme Reste si je me permets ce jeu de mot…), elle s’est enfui pour rentrer chez elle en abandonnant ses cookies que nos fins limiers canins ont vite débusqués (quelques pépites de chocolat recrachées par un doberman allergique nous ont permis de remonter jusqu’à la piste de Melle Senbouyir qui gardait par ailleurs sur son corsage, fort bien ouvragé, des traces de sa gourmandise).

            Suspect n°7 : M. Louis Fine, pharmacien, est venue ensuite rendre visite, vers 14H30, à Mme Reste qui lui a semblé essoufflée, les joues bien rouges mais toute fraîche comme sortie de la douche. Il lui a fait une injection de placebo, car Mme Reste s’est portée volontaire pour participer à l’expérimentation en vu de la fabrication du vaccin contre la grippe T, vingtième grippe pandémique qui menace l’humanité depuis que les scientifiques savent pronostiquer notre fin certaine. Nous savons qu’elle était ruinée à cause d’un placement hasardeux et avait besoin de rentrées d’argent pour continuer à mener un train de vie à la limite de la classe moyenne. C’était sa cinquième contribution, avec plus ou moins de conséquence sur son métabolisme. Le premier vaccin lui a fait perdre ses cheveux. Le second l’a rendu à moitié aveugle, le troisième lui a fait attrapé la coqueluche et M. Fine a dû batailler fort pour que sa maladie ne soit pas reconnue comme professionnelle, il a obtenu gain de cause et Mme Reste a du se faire amputer d’un poumon à ses frais, le quatrième (je suppose soit que Mme Reste est masochiste, soit espérait – elle qu’enfin les laboratoires pharmaceutiques parviennent à fabriquer le vaccin avant que la grippe n’ait atteint son apogée, de toutes les façons, cela semble une sombre idiote, si je puis me permettre un jugement sur une morte dont on se doit de respecter la mémoire, plus très vive, par ailleurs) lui a permis de voir la vie en rose vu qu’elle se promenait en tutu toute la journée, se prenant pour une ballerine. M. Reste fils a voulu porter plainte, M. Fine lui a promis que si sa mère participait à une cinquième expérience, ne lui serait injecté qu’un placebo et un bon petit chèque qui lui permettrait d’être à l’abri du besoin suffisamment longtemps pour que l’amnésique, administré avec, fasse effet (cela, nous avons réussi à l’extorquer de M. Fine après la promesse de lui fournir 5 recrues pour la prochaine grippe ; on finira bien par la rattraper de vitesse, cette sale bête !). Normalement, ce placebo ne peut pas avoir conduit Mme Reste à s’étrangler, s’éventrer et se noyer. Mais il existe un doute et seul le doute permet d’exister, sauf dans la mort où le seul doute qui subsiste c’est de savoir si deux minutes avant sa mort, le mort savait qu’il allait mourir.

            Suspect n° 8 : Vers 16H30, Mme Agathe Passon-Marie a séjourné un temps très bref chez sa consoeur Mme Reste-Pagranchause pour finasser les derniers détails relatif au dîner gala organisé pour l’association des Victimes Prêtes à Souffrir pour Affronter les Médias (VPSAM). Je me suis renseigné, les entrées se monnayent entre 500 et 1000 euro selon que l’on soit une victime photogénique ou pas. Comme point de mire, il y aura Katherine Merdier, chanteuse, victime d’un patronyme merdique, Mathilda Juin, actrice, victime d’une chute de rein fatale, Nicole Dalton, on ne sait pas trop ce qu’elle fait, victime de la mode, Laetitia Olidékelaibonne, épouse de, victime d’un viol permanent de son intimité, François baygon, homme politique, victime d’être battu dans les sondages. Je me proposerais bien comme victime d’une mère castratrice, mais j’ai peur qu’ensuite on me fasse chanter. L’entrevue a duré 20 mn, le temps que Mme Passon – Marie décide que des lys blancs conviendraient mieux que des hortensias bleus, après avoir hésité entre des jacinthes roses et des azalées jaunes (lors de l’entretien, elle reviendra sur son choix et appellera le fleuriste pour lui commander chrysanthèmes rouges, regrettant par ailleurs que Mme Reste n’ait pas fait l’objet de plus de publicité alors que sa mort aurait servi la cause des victimes des attentats contre les interphones.) Mme Passon – Marie a trouvé Mme Reste très taciturne et a noté qu’elle n’arrêtait pas de se frotter le bras qui semblait la démanger. Mais comme c’était le jour de la commémoration des victimes des bras d’honneur dans les bretelles autoroutières, elle a juste pensé que c’était par empathie et c’est elle – même mise à se gratter. Elle a quitté Mme Reste précipitamment parce qu’elle s’est souvenue qu’elle avait rendez – vous avec le chanteur Han Fouaret pour engager des négociations quant à sa contribution bénévolement annoncée au profit des victimes de la propagation de la foi. Parvenu en bas, elle se rappelle avoir croisé M. De Foi qui criait qu’on lui avait volé dans les plumes et qu’il en avait cassé sa pipe. Mme Passon – Mari lui a donné la carte de l’association en lui apprenant qu’il y avait un dîner – gala organisé vendredi en 8 et qu’il y était cordialement invité pour la modique somme de 1200 euro. (j’ai vérifié : il m’a confirmé avoir vu une folle habillée d’un horrible tailleur violet et rose, affublé d’un chihuahua empaillé et de grosses lunettes de soleil qui lui ont fait croire au premier abord avoir affaire avec une grosse mouche…..encore une victime du bon goût !)

            Suspect n°9 : Freddy Treize, homme dont les empreintes ont été prélevées sur le cou, les bras et le ventre de Mme Reste. Il est doté d’un casier judiciaire et a été condamné pour assassinat par strangulation, par éventration et par noyade de Melle Kili Mandjaro, étudiante japonaise à la Sordouce, où elle effectuait une thèse sur « Eros, Thanatos et Petipatapos chez OSS 118 ». Il a bénéficié de circonstances atténuantes car le maître de conférence M. Thésée Vougeparle a témoigné pour défendre l’accusé en certifiant que même lui avait du mal à ne pas proposer à Melle Mandjaro de se faire Harakiri tellement elle pratiquait mal le français. Il est sorti de prison au bout de 5 ans pour bonne conduite, ayant étranglé, éventré et noyé son compagnon de cellule qui beuglait tous les soirs du Céline Déon. Il a ensuite travaillé pour la SPA où il était chargé d’étrangler, éventrer et noyer les animaux non réclamés au bout de trois semaines. Ses employeurs me l’ont chaudement recommandé car il était toujours très disponible et très zélé, il n’hésitait pas à écourter les délais lorsqu’il commençait à s’ennuyer. Il dit être entré dans l’immeuble de Mme Reste par hasard, attiré par les aboiements d’un labrador (il est infaillible pour reconnaître la race d’un chien rien qu’à la voix de son maître). La porte étant mal fermée, il est entré dans le hall et a vu que le chien était en train de s’étouffer sur une pipe. Il s’est alors approché de la bête et allait lui assénait un grand coup sur la tête pour le délivrer quand M. De Foi a surgi et lui a demandé ce qu’il pensait des folles qui exigeaient 1200 euro pour un gala où la bouffe était certainement dégueulasse. M. Treize a répondu que la SPA pour laquelle il avait l’honneur de travailler, extirpant sang et eau, cherchait justement des festivités caritatives à même de diffuser son message de paix, de réconfort et de tolérance. M. De Foi lui avait alors gentiment communiqué l’adresse de Mme Passon – Marie en précisant qu’elle descendait de l’appartement de Mme Reste. Supposant, à juste titre, que Mme Reste soutenait également cette action, il s’était permis d’aller lui rendre visite pour lui proposer son soutien et lui faire comprendre sa bonne appréhension des droits des victimes à ne pas prolonger leur supplice. Il en avait fini vers 18 H00. En rentrant chez lui, satisfait de sa contribution à la bonne cause, il avait pris une douche, lancé une lessive avant de se coucher avec un bon livre « l’XYZ du découpage des corps». Il semble être le coupable idéal, aussi il doit être innocent.

            Suspect 10 : M. David Corre dit être passée chez Mme Reste pour constater qu’elle était déjà morte. Il est arrivé sur les lieux vers les 19 H00, alerté par M. De Foi qui, ayant constaté que le plafond gouttait, avait été toqué chez sa voisine de dessus. Ne recevant aucune réponse, mais sentant comme une odeur aigre lui rappelant la fois où il s’était coupé le doigt avec un taille – crayon alors qu’il cherchait l’inspiration en s’évertuant de retrouver des sensations perdues - ce monsieur est très lyrique et j’ai hâte de me plonger dans ses livres - il a dévalé les escaliers et a téléphoné à M. Corre, son neveu, spécialiste des pompes funèbres, dans l’idée que s’il y avait cadavre, celui – ci devait être embaumé afin que les policiers ne découvrent pas Mme Reste, dont il appréciait la courtoisie et la bienséance, dans une posture négligée. M. Corre serait donc parvenu à entrer dans le logement, non fermé à clef selon lui, de Mme Reste, où elle gisait dans un piètre état, méconnaissable mais comme il ne la connaissait pas, cela ne l’a guère perturbé. Il s’apprêtait à pratiquer son art quand un remord soudain l’a saisi (et une nausée incompréhensible) et il a appelé la police. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, il était couvert de sang et se faisait fortement grondé par son oncle, M. De Foi.

            Voilà, M. le Commissaire. Que pensez – vous de cette affaire ?

            - Je pense Colvert que tout est clair et que l’assassin est forcément M. De Foi qui n’arrête pas d’entrer et de sortir dans cette histoire alors qu’il n’y est jamais invité. Il ressemble à un Scrat qui court toujours après son gland. Et un type qui mange du cassoulet alors qu’il est célibataire est forcément apte à commettre les pires atrocités. Un jour, Colvert vous serez Commissaire, ou garde maréchaussée si vous continuez à rameuter des suspects aussi peu crédibles, et vous saurez qund il est temps de mettre fin à une histoire.

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