Savons Marseille
Viens d'apercevoir une accroche d'article affarante : "Les fonctionnaires "honnêtes" et "compétents" selon une majorité de français". C'est rassurant de savoir que nous ne sommes pas une république bananière où la corruption et le laxisme régnent. C'est toujours agréable d'être bien noté par ses congénères, il n'y a plus qu'à espérer que l'Unesco nous classe dans la catégorie des espèces en disparition à protéger.
Cela doit être une spécifité française, ou du moins gouvernementale, de toujours vouloir classifier les gens en un ensemble homogène et facilement identifiable par un préjugé toujours négatif et repoussoire. Les fonctionnaires seraient des moules parasitant le rocher des contribuables (la plupart ne gagnant pas assez pour payer des impôts), les gens du voyage, des voleurs de poules incapables de travailler (il faudrait pour cela qu'on leur en donne les moyens), les étrangers, des effrayants barbares qui ne pensent qu'à piquer le boulot des gentils et accueillants français (et sans se contenter d'être maçon ou éboueur, en plus), les footballeurs ne seraient que des maghrebins, sauvageons des banlieues ou des noirs, que l'on peine à croire français, qui profiteraient de leur force physique brutale pour empêcher les blancs d'accéder au rang de stars qui leur revient.
Aussi, était-ce avec appréhension et armure inoxydable, que je m'apprêtais à entrer dans Marseille, ville peuchère occupée par la marée arabe, selon le Front National. Ma mère, en effet, désireuse de réunir sa famille autour d'elle, comme une poule aime couver ses petits poussins égayés dans la nature revêche, féroce et seulement clémente lorsque la météo prévoit une averse continuelle, avait entraîné toute sa marmaille et les pièces rapportées dans un safari organisé dans la cité phocéenne, pour suivre les traces de Marcel Pagnol.
Nous n'en sommes pas rentrés fanny. Non seulement nous avons pu contempler la tombe fleuri du père de Marius, dont la vie paillarde et passionnelle nous émoustilla plus que la vue du restaurant fermé qui servit de décor à une filmographie auteuillisée, mais également constater que Marseille est plus remplie de pêcheurs sanguinaires que de musulmans assoiffés. Bien sûr, la guide ne nous précipita, lors des pauses chronométrées, que dans des lieux fréquentables par des gogos à casquette, mais le bus ne put nous cacher les quartiers plus miséreux où des désespérés à fez troquaient leur vie. Mais point l'impression d'être dans une ville dégradée, pillée, défigurée par des faciés incongrus. Au contraire, une multiplicité ethnique logique, dans la continuité de l'histoire puisque dans le centre de la ville trône une statue qui célèbre son origine exotique et son sang mélé.
Un peu d'histoire pris sur le site Marseille. fr : "L'histoire de Marseille commence par un roman d’amour entre Protis, le Phocéen, et Gyptis, la Ligure. Lui appartient à un groupe de navigateurs grecs, venus de Phocée, un port d'Ionie situé en Asie Mineure à l'autre bout de la Méditerranée.
Elle est la fille du roi Nann de Ligure, territoire reliant la France du sud-est à l’Italie. Les marins Phocéens découvrent, à peine visible, un port orienté d’est en ouest et facile à défendre. Décidés d’y construire une ville, ils envoient Protis en repérage afin d’obtenir l’accord et l’amitié du roi des lieux.
Protis débarque dans le port de Ligure, le jour-même où le roi Nann marie sa fille Gyptis. Elle doit choisir son futur époux durant le banquet en lui offrant à boire et c’est vers Prostis qu’elle se tourne et tend la coupe. En dot, Protis et Gypstis acquièrent le territoire tant convoité qui deviendra Marseille.
Massalia est née de la rencontre improbable de ces deux êtres, environ 600 ans avant J.-C." J'adore les histoires d'amour qui commencent toujours bien.
Une parenthèse : à manier le mot "français" sans discernement, j'y verrai presque comme une injure, une entité terne, une étiquette implacable qui nie l'évolution et enferme le possible derrière des frontières qui n'ont pas toujours existé et qui ne sont que le jeu de victoires et de défaites. Déjà que ma langue maternelle me cloue sur des planches d'un salut minoritaire dans un monde anglo-saxon, je ne me sens pas grandie si ma seule fierté est de refuser la richesse du mélange culturel et la découverte de l'autre qui a aussi bien le droit que moi de revendiquer un territoire qui ne m'appartiendra jamais vu les taxes foncières que je continue à payer. Que m'importe si mes enfants, qui ne connaissent que l'euro, doivent parler arabes pour se faire comprendre (alors que j'aurai pu devoir parler allemand) ; ils devront certainement s'exiler s'ils veulent trouver un travail (et donc baragouiner l'anglais).
Le seul bémol de ce voyage, bien que débutant à peine cette phrase, je sens que je pourrais en écrire plusieurs, mais ne souhaitant point salir un voyage offert gracieusement et sans contrepartie par ma mère, et qui s'est révélé agréable et nourrissant (bien plus, si l'on songeait à éradiquer la culture de l'olive dont le culte m'ulcère et le goût me chaut guère), je n'en dévoilerai qu'un : un chauffeur furibard, revenchard, vindicatif, ayant une tendance à la médisance et au travers gouvernemental d'accuser les autres (les marseillers sans distinctions et les plus nobles) d'être la cause de ses égarements, en bref condescendant pour les cons descendant. Je lui souhaite bonne route ! (il n'a eu qu'à se jouer de moi devant un public captif (le bus n'ayant que peu d'issue et des toilettes vite débordées) pour obtenir ma rancoeur perpétuelle...).Ah, on voit bien que ce n'est pas un fonctionnaire, honnête et compétent............
Il a fait un temps qui a réjoui mon mari : pas trop chaud et a marri météofrance : pas de pluie contrairement à leurs prédictions et nos kw, parapluies amenés en masse : Bonne mère, priez pour nous qui sommes trop crédules !.
Et mes enfants n'ont pas été l'attraction principale ; il est vrai que nous avions pris le soin de les balader 15 heures sur 24 dans un bus, ce qui ne leur laissait que 9 heures pour se coucher, bien nauséeux.