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je vis, je dis, je ris ...ou pas
14 février 2012

La St Valentin et nous

Mon mari et moi avons cédé à la tentation de la St Valentin et avons franchi docilement la porte d'un restaurant afin de fêter notre amour éternel depuis 7 ans. Nous avons été rejoints par d'autres couples, heureux de trouver un échappatoire au dîner, télé, coucher, et assez solides pour résister à un tête-à-tête où les propos échangés n'iraient pas changés le monde.

Mon mari et moi sommes parvenus à éviter les écueils : les dernières notes des enfants, la dernière lubie de sa mère, les derniers sursauts d'un président candidat à sa succession, à converser sans trop de divergences, attentifs à ne pas laisser passer de blancs susceptibles de faire accroitre que nous formions un vieux couple n'ayant plus que l'habitude à partager, à deviser à notre guise, soucieux de toujours rester sur un terrain neutre pour ne pas enflammer cette atmosphère feutrée.

Si nous avions le choix des armes verbales, le menu était forfaitaire et nous avons accepté que d'autres imposent à nos palais rosés, des mets délicatement préparés, si ce n'était amoureusement, et nous nous sommes ainsi retrouver dans des goûts communs. Nous baignons donc dans une ambiance flatteuse, admirant et faisant admirer notre passion assumée, ce jour salué, vilipendé, obligé, oublié, chéri, honni, révélant la force d'une union ou la tension d'une solitude.

Et moi, je ne peux empêcher mes yeux papillonnants de quitter les lèvres mouvantes d'un mari en verve, pour se poser, avec une commisération mal placée, sur l'unique être attablé avec lui-même, se raccrochant, parmi tous ces couples claironnants, à son téléphone, pour clamer qu'il n'est seul que par conviction. Le dos droit, la gène rangée, il savoure sa singularité et apprécie de n'exister que par lui-même, alors que nous tirons notre présence que par l'enjeu d'être deux à la face du monde.

Bien sûr, notre amour est sincère, nous nous sommes promis l'un à l'autre, avons éclos en un fils sans être passés par la case brouillon. Mais nous avons tant de choses encore à nous prouver, tant d'aspiration à ce que les joies l'emportent sur les épreuves, tant d'espoir qu'aucune mention contraire ne vienne noircir nos registres liés par le hasard des rencontres, tant de craintes de redevenir des noyaux isolés, sans fusion, en orbite autour d'un horizon lointain, tant d'envies que nos affrontements nous renforcent, tant l'impression qu'à deux, notre identité est plus certaine et notre affirmation plus sûre.

Qu'un jour, un seul jour, si nous devons jouer les moutons, si nous devons sacrifier nos toisons à des rites sans fondement, si nous devons bêler des mots qui riment avec exclusion, que cela soit pour sauver l'économie locale et nos coeurs, légers, pourront continuer à battre la démesure.

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