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je vis, je dis, je ris ...ou pas
31 mars 2012

Pourquoi j'aime les quiches ?

Mon mari ne me comprend pas. Il lui semble que je sois une femme libérée, sous caution cependant, puisque je m'acharne à décortiquer chaque semaine des magazines féminins, présentant la femme comme un sous-produit de la mode, de la beauté et de la culture imposées.

 Moi-même je ne me comprends pas. Quelle satisfaction je soutire à zyeuter un catalogue d'articles à moins de 50 euros, quand un pantalon à 10 euros me paraît déjà une dépense excessive. Quelle bêtise me pousse à écouter les conseils beauté inspirés par des hommes qui jugent un maquillage trop sophistiqué et une non-épilation négligée, alors qu'il m'est sériné que c'est à moi avant tout que je dois séduire. Quelle détresse me fait me pencher sur la pensée symbolique d'Isabelle Huppert narrant son obsession du brocolis parce qu'il est fractal, chaque partie ressemblant au tout. Pourquoi le brocolis, pourquoi pas le chou-fleur ou le chou romanesco. Parce qu'il est vert, couleur maudite pour les acteurs se vengeant ainsi en décapitant le légume réduit à son néant ? Parce qu'il porte un nom ridicule qui ne romance rien ? Et pourquoi ensuite le mettre au même niveau qu'un rôle, qui serait donc fractal, faits de détails qui ressemblent au tout. Est-ce à dire aussi que tous les rôles, faits de détails qui se dupliquent, se ressemblent, que tous les films se ressemblent et que l'abus de cinéma provoque une bonne diarhée ?

Pourquoi me complais-je à mirer un monde où les femmes sont frivoles voire futiles, toujours friquées, toujours urbaines, toujours jeunes, toujours minces ou rêvant de le devenir, où les hommes sont présentés comme attirants ou à attirer, semblant épargner par les griffes du temps ? Sauf s'il faut en croire une publicité où joue un docteur House décomplexé, affirmant que, grâce à un produit expert, testé dermatologiquement et notoriétiquement, l'Homme lui-aussi ne doit pas se relâcher et restez lui-même. Dr House, qui n'est pas à une contradiction près, vu qu'il sait à la fois être énervant quand il séduit les femmes et ridicule quand il est chanté par Hondelatte, propose aux hommes de rester eux-mêmes en évitant de se laisser aller à vieillir.

Pour une fois que c'est à la gente masculine que l'on s'adresse, plutôt qu'à nous qui devons rester mince tout en portant au moins 3 gosses, qui devons allaiter nos enfants tout en gardant une poitrine ferme, qui devons devenir indépendante financièrement tout en veillant aux bonnes attitudes pour que notre couple dure, nous qui devons choisir notre contraception tout en ne sélectionnant aucun partenaire baisable, mijoter de bons petits plats tout en restant maîtresse de soi-même, communiquer avec nos enfants tout en gardant notre mystère.

Quelles sortes de féministes ces magasines, qui se disent à la pointe du combat contre l'avant gardisme, le réactionnaire tout en préservant leurs actionnaires, vont-ils défendre ? Celles qui sont photogéniques, qui correspondent aux standards esthétiquement prônés par une société qui clone les grandes asperges. Vous aurez 4 pages sur des ukrainiennes longilignes, pulpeuses et avenantes sous prétexte qu'elles posent nues pour revendiquer leur droit à l'expression corporelle. Vous n'aurez qu'un entrefilet s'il s'agit de portugaises robustes, dodues et peu engageantes, même si elles sont chefs d'entreprises. L'Oréal se vantant de promouvoir la recherche intelligente, concrète et prometteuse va afficher des lauréates altières, élégantes et enviables physiquement, pas des chercheuses grisâtres, flétries ou simplement accessoirisées de lunettes savantes. Est-ce à dire que pour recevoir un prix, il faut pouvoir prétendre au titre de Miss France, comme pour être chanteuse, il suffit d'avoir un beau minois et quelque parentèle bien placée, mais suffisamment à l'ombre pour faire croire que, son succès, on ne le doit qu'à youtube.  

De même, ces magasines vont mettre en exergue les victimes plaisantes, agréables à regarder, avec de beaux yeux pour ouvrir sur leur âme, pas une laideron qui ne suscitera jamais de compassion et d'envolée des ventes. Et quand ils militent pour les photographies sans retouchage ou les mannequins rondes, défilent des jeunes filles chirurgicalement endiguées ou des femmes revendiquant un bon 38, et encore avant l'absorption de leur ration de quinze pépins de pommes. Les héroïnes fictives qu'ils dessinent comme leur mascotte sont parisiennes, s'inquiétant pour leur célibat et leurs kilos en trop, qu'elles sont les seules à percevoir. Elles boivent, draguent et n'ont jamais de peine pour finir leur fin de mois. Qu'ont-elles en rapport avec moi, ma trainée de gosses, mes litres de tisane un mari toujours habillé de bleu, une maison envahie de souris et pollué par de douces senteurs de fumier, un boulot qui me rapporte mensuellement même pas la moitié d'un Birkin et me permet juste d'approcher Gisèle Vincent (notre artiste local mais qui peine à percer) et un tranway nommé désir ?

Pourquoi moi qui suis titulaire de deux maîtrises, suis capable de répondre du tac au tac à la plaisanterie d'un homme en l'enfonçant bien profond, ne vais jamais chez le coiffeur et ne suis jamais la mode, je dévore chaque semaine un magasine que je dénigre alors que je pourrais m'enrichir en lisant Le Monde 2 ou m'internaliser en ingérant Courrier International ? Pour ne pas réfléchir, pour penser que je pourrais comprendre des articles fouillés si je m'en donnais la peine, pour faire plaisir à mon mari qui gagne moins que moi, parce qu'il n'existe pas de féminins intéressants et que j'aime tellement lire alors que le prix des livres s'enflamme que, plutôt que de me jeter sur les notices du four et du lave-linge, dont je préfère ignorer le fonctionnement pour me cantonner à un seul programme, je me rabats sur des magasines aux abonnement toujours bradés, pour me croire sophistiquée, pour être au courant des potins sur des gens dont je ne saisis même pas la fonction, pour me permettre d'écrire régulièrement des billets qui se répétent et que personne ne comprend.

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