Ces jolis ponts de mai qui fleurissent sous la pluie

Certains construisent des ponts, d'autres posent des viaducs et moi, je fais barrage. J'ai accepté, parce que les élus n'aiment tant paraître glorieux en affichant la probité de leurs employés, la glotte vaillante et les paupières intrépides, de franchir les obstacles sournois ne rendant que plus triomphant mon sacrifice (un mari refusant d'allier son pied gauche au mien lorsque retentit mon corps cassé par tant de réveils brutaux, un gamin suppliant qu'on laisse sa tête gésir sur son oreiller imbibé de rêves, réécrits, pour briller, en cauchemars angoissants, un lundi trop gris pour faire marche avant vers un bureau tout gris et silencieux), et d'honorer une mairie déserte de ma présence insoupçonnée, tout le monde préférant profiter d'un long week end plutôt que de vérifier, carte identité en poche et coeur sur la main, que leurs impôts locaux servent bien à empêcher de pauvres fonctionnaires zélés de se la couler douce chez soi et les contraignent à se forcer à paresser au boulot. Car comme je suis seule, entourée seulement par un téléphone muet et une boîte mail inexplicablement épargnée par les réponses urgentes et les réductions immédiates, je...comment dirais-je administrativement parlant....je croule sur les dossiers exigeant une expertise prolongée... Et comme l'activité "tournage de pouces" n'aide pas l'horloge à se précipiter dans les aiguilles, j'acte ma bravoure sur ce clavier, toujours professionnel, malgré les crépitements des quelques rognures d'ongles que j'ai malencontreusement laissé s'égarer, alors que je m'échauffais furieusement en limant toutes aspérités inadéquates à ma tenue correcte exigée.

Bref, pour tuer mon désoeuvrement, je tape sur touches qui bougent, avant de fêter dignement ce 1er mai, qui n'aura jamais tant vu de paroliers défendre son honneur, jouant - scandalito- des rythmiques essouflées, scandant - tragico -des interprétations compassionnelles, forçant - prophetico - les visions d'une exécution suprême. Les choeurs des vrais travailleurs s'accorderont-ils avec les aspirations des corps intermédiaires et les voix de Jeanne d'Arc s'harmoniseront-elles avec les cordes des grosses ficelles ? Le 1er mai reste -il ce jour chômé revendiqué par les travailleurs pour exprimer leur désir de faire passer leurs loisirs d'abord ou devient-il un jour au service de l'homme qui se lève tôt pour perpétuer son exploitation par le patronat ? Le 1er mai peut-il être de droite et servir d'étendard à une nation qui a les chocottes de se lancer dans le monde ? Ou n'est-il qu'un prétexte pour s'enfuir de ce mois de mai où paissent les agneaux pendant que s'égorgent les loups ? Pour moi, ce sera concerto de ronflements suivi d'un osso buccale pour finir par une farniente en fanfare dont je tiens le mouvement sans relâche depuis ce matin. Si ce programme vous réjouit, une autre représentation est prévue le 7 mai, avec la même et si seule participante....