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je vis, je dis, je ris ...ou pas
10 août 2012

La pierre de Sisyphe

Faut-il ou non investir dans la pierre ?

 

De nos jours, où les placements sont souvent synonymes de semelles droites souillées par des substances mal digérées, sauf pour ceux portant des talons compensées qui projettent les risques de chutes sur un conglomérat de passifs, il paraît judicieux, quand on ne dispose pas d’une vieille cuisinière regorgeant de pièces d’or frappées de précaution, ou de malle poussiéreuse recélant un tableau anonyme d’un peintre mort dans la contemption et multimillionnaire dans la consternation, d’acheter auprès d’un agent immobilier consciencieux une baraque qui capitalisera vos vieux jours.

 

Tout locataire se maudit de payer des traites mensuelles pour un chez-soi dans lequel il doit rendre compte de chaque trou percé. Mais sait-il que le joyeux acquéreur d’une maison individuelle au bout de 15 ans n’en peut plus de reboucher les failles qui s’agrandissent dans ce chez-soi qu’il n’a pas fini de payer. Car ce que l’agent immobilier consensuel oublie de vous faire miroiter alors que vous vous extasiez (malheureux ! cela vous voudra un surplus de 10 000 euros) sur la charmante véranda qui éclaircit la vue sur le jardin du voisin, c’est que cette coquette bâtisse va vieillir sur votre dos. Les fenêtres seront à changer, la couverture à restaurer, les murs à recrépir, les panneaux solaires à détester, les chambres à pleurer après le départ du petit dernier et la cour à déplorer de n’avoir pas le temps de la fleurir.

 

Imaginez ces intrépides retraités qui s’acquittent, auprès d’un agent immobilier qu’on sent venir, une jolie petite maison rupestre qui leur servira de résidence secondaire afin de se reposer de l’agitation urbaine et de ses tentations divertissantes. Au bout de quelques années, ils n’oseront plus y mettre les pieds, rebouffés par les indigènes qui twittent leurs choux gras de leurs faces de lardons, lassés de la morne plaine où les boules roulent dans un bruit retentissant, desséchés par les allers-retours dispendieux où chaque pompe à essence apparait comme un bandit manchot dont les chiffres défilent et défient tous les jackpots. Lorsque les héritiers apprendront par les hasards du notaire que la succession s’agrémente d’une paisible maison de campagne, ils seront défaits devant cette ruine enchevêtrée de ronces et désireux de ne point déloger les hirondelles nichant sous les chevrons à ciel ouvert, ils préféreront acquérir une belle villa avec, par temps orageux, vue sur les fonds marins.

 

Maintenant imaginez de jeunes mariés de 45 ans, heureux d’offrir, grâce aux bons soins d’un agent immobilier consentant, à leurs 3 enfants pour elle, 2 enfants pour lui, 1 enfant et 2 chiens pour eux, une masure cossue, pleine de cachet et pleine de cachettes. La crémaillère pendue pour faire admirer la décoration intérieure spontanément et artistiquement pompée sur l’inspirant M6 déco, la femme et l’homme se déchirent pour savoir quel enfant est responsable des souillures préhistoriques tachant le papier peint new regence.

 

A peine les carreaux faïence de la salle de bain posés, il s’agit d’intégrer la cuisine dans l’ergonomie spatiale nécessaire à un bon transit biologiquement sans équivoque, puis de hisser la terrasse au niveau du standing exigé par le label échotouriste, ensuite de transformer le salon multimédias en parade virginale propice aux ondes d’envie, puis de creuser une piscine pour laver la bave des copains et copines, puis de construire une extension pour poser le sofa de l’aîné qui épanche son mal-être sur cruciworld, puis de poser des dalles sous la douche hydro-massante, puis d’agencer une troisième poubelle de recyclage dans la cuisine végéto-compatible, puis d’installer une chaudière à compensation d’impôts, ensuite d’agrandir le garage pour y ranger le quad biplace à énergie pédalo-propulsive de la cadette et le scooter à 4 roues et toit ouvrant du cadet, puis d’aménager un coin bibliothèque avec un seul rayonnage sur lequel est posé dix ebook de différentes couleurs et une peluche garfield, un faux bureau, le platelage se soulevant pour interroger google atlas et douze poires bien molles pour que chaque intervenant puisse se connecter au Master Central grâce à une puce intradermique intelligente, puis de recarreler la salle de bain avec des dalles chauffantes pour créer son propre spa bio-régénérant, puis, les enfants partis, de mettre en vente la maison au prix de 2 553 000 euros, puis la vendre, au bout de 5 ans et 5 mois, au prix de 566 799 euros, grâce aux conseils avisés de Stéphane Plagia, un agent immobilier con cent fois con.

 

La pierre : avenir de l’homme ; non : à venir des emmerdes.

phortail.org

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