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je vis, je dis, je ris ...ou pas
26 avril 2013

Des jours, des hommes et une mairie

Un jour, c’est une femme en colère, qui n’a rien de spécifique à vous demander, qui vient juste rechercher une compréhension humaine, devant laquelle faire éclater non sa fureur, mais son impasse, son amusement désespérée, son affirmation de soi face à la bêtise, l’insoluble et le mécanique. Elle rit en coin : « eh ben, la nouvelle dame du pole emploi, elle est spéciale ! Faut trouver du boulot, qu’elle me sort. Comme si je ne le savais pas. Mais où j’vais le débusquer, moi ! ».

Vous compatissez : « c’est sûr que, par ici, pour trouver du travail, c’est pas facile. A part postuler pour Pole emploi, ils embauchent à plein. »

Elle me répond : « C’est ce que je lui ai dis. Elle m’a dit qu’elle peut rien me proposer parce qu’elle a pas d’ordi (un problème de connexion à la wifi, du fait d’un changement de notre livebox – NDLR). Elle a pas accès à mon dossier et voilà qu’elle se plaint qu’elle devra tout ressaisir le soir. J’lui dis : eh ! C’est grâce à moi que vous avez votre boulot. Si ça vous plait pas, donnez le moi et moi j’peux vous les ressaisir vingt fois tous vos dossiers. A la fin, elle m’a dit que fallait que j’reste chez moi, même le bénévolat c’est interdit. C’est bien du n’importe quoi, j’vais pas tourner en rond, cloîtrée dans ma maison. »

La dame s’en va à la recherche d’un boulot qui ne sait où il se trouve.

Une autre fois, c’est une employée de la maison de retraite qui s’inquiète parce que la fenêtre de la maison d’un pensionnaire est ouverte depuis une semaine. Comme elle aimerait bien que,si elle se retrouvait dans la même situation, quelqu’un prévienne les personnes compétentes, elle s’adresse à moi pour faire ce que de droit.

« Heu, oui, très bien. Je vais demander au garde champêtre d’aller voir s’il y a trace d’infraction (avant d’avertir la gendarmerie, le Gign et les pompiers) ».

Sur place, aucune effraction n’est constatée. Peut-être la famille qui est venue, a voulu ventiler le logement et a oublié de refermer. Mais qui a les coordonnées des proches du vieil homme qui n’a pas les capacités pour se rendre compte du danger ? La maison de retraite….

Encore un autre jour, c’est une jeune femme en détresse, élevant seule ses deux enfants, qui demande si elle peut faxer un document en urgence. Elle a jusqu’à 15H30 (il est 15H15) pour contacter EDF, sinon ils ne lui rétablissent pas l’électricité (elle leur doit plus de 1 600 euros).

Un autre jour, c’est une dame qui n’a pas compris que la PTT n’existait plus et se tourne vers nous pour appeler Orange, parce que son portable n’a plus de réseau et que La poste refuse de jouer l’intermédiaire.

Une fois, c’est un monsieur assez âgé, qui vient de perdre sa compagne, pourtant bien plus jeune que lui,  qui ne s’en sort pas avec la paperasse et s’adresse à des experts es complication administrative, parce qu’il n’y comprend rien. Il laissera un pourboire de 10 euros.

Une fois, c’est le monsieur quotidien (il passe tous les jours sous un prétexte ou un autre, on imagine qu’il passe ses nuits à réfléchir sur quel sujet il va nous interroger le lendemain) qui tient à ses ralentisseurs et exige une intervention de la haute autorité, parce qu’il y a beaucoup d’enfants qui jouent dans la rue et que les voitures y passent à toute vitesse. Il interpelle au nom des parents qui s’inquiètent…mais qui n’imaginent pas surveiller leurs gosses et les emmener se divertir dans un lieu plus tranquille.

Un jour, c’est une retraitée qui, pour remplir ses jours, saute de registre en registre, non point pour dresser sa généalogie, mais pour suivre les traces d’un meurtre commis en 1925 : un homme aurait été poignardé par sa voisine pour un problème d’intrusion dans son jardin. La criminelle n’aurait jamais été inquiétée par le juge de paix et, pour le remercier d’avoir su si bien classer l’affaire, elle aurait léguée à sa fille sa maison et le jardin cause du meurtre. Tout le village était au courant, mais le silence coule plus vite qu’une rivière (lieu où le corps fut repêché).

Un jour, c’est un appel de l’épicière, parce que M. Pernet ne vient plus faire ses courses, alors qu’il a l’habitude d’acheter des Paille d’or tous les jours. On envoie un employé : M. Pernet, alité, attend que sa grippe passe.

Un autre, c’est les pompiers qu’il faut appeler d’urgence parce qu’un stagiaire d’un Centre de rééducation vient de s’enfuir, après avoir agressé une de ses collègues. C’est une véritable course poursuite qui s’élance : le jeune ne court pas assez vite, il est rattrapé par un sapeur bedonnant qui le plaque contre le trottoir.

Un autre, un forain qui demande une attestation comme quoi il habite avec toute une flopée de gamins énumérés par ordre chronologique sur une liste signée par un organisme officiel. Vu notre dénégation, il menace de revenir avec les gosses en question et s’en retourne sur les chemins.

Un jour, un homme qui veut établir la carte grise d’un véhicule qui appartenait à un couple et qui,  quand vous lui faites remarquer que sur l’acte de vente n’y figure que la signature de monsieur, y appose la griffe de madame.

Une dame qui sous prétexte de photocopies vous raconte ses malheurs ; un homme qui jette ses yeux fureteurs sur les dossiers qui trainent et posent des questions sournoises ; une jeune fille en Ulis qui sollicite un stage en cantine de la maternelle et se retrouvera aidée par des enfants très compréhensifs ; des appels vous demandant un numéro de téléphone, des nouvelles d’une de leur connaissance, les horaires des bus, l’état des routes, si la Poste est en grève, si vous n’avez pas vu un chien perdu, si la Commune veut financer un superbe livre autobiographique, etc.

Un maire qui ne veut insupporter personne, des décisions toujours contredites par le reproche d’un éventuel électeur,  une année 2013 en statu quo, des conseillers municipaux qui se tâtent, annoncent qu’ils ne se représenteront pas et courent après les signatures.

Une mairie : le centre de vies actives, l’orbite d’élus passifs.

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