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je vis, je dis, je ris ...ou pas
13 juin 2014

Grossesse morveuse

 

Je n'ai jamais cru qu'il était possible d'avoir un enfant naturellement après 40 ans. Intoxiquée par la lecture de magasines dédiés à la frivolité féminine (et à la frilosité éditoriale : allez, femmes, battez vous pour faire s'effondrer le plafond de verre, cela vous permettra de dépenser quelques calories pour perdre vos kilos superflus), alertant régulièrement sur la caducité programmée de l'horloge biologique, statistique à l'appui : après 35 ans, une femme n'a plus que 5 % de chance (si elle le veut bien ou de risque, si elle ne fait pas attention) d'être fécondée lors d'un rapport, que nous qualifierons d'humain pour saluer la voie naturelle (l'autre voie, surnaturelle, étant impénétrable), je suspectais la pléthore de stars - toujours sympathiques, souriantes, accessibles, mais quand même supérieures, parce qu'on ne peut pas vendre du papier avec un interview de Mme Dupond, caissière à Leclerc, sauf si c'est pour dénoncer les cadences infernales, la précarité salariale, le harcélement sexuel, l'isolement social subis par une femme heureusement dotée d'un physique avenant pour inciter à l'empathie -  enceintes, jusqu'à la plasticité parfaite, après la quarantaine (celle qui leur ouvre de nouvelles perspectives, celle qui nous enferme dans l'aigreur), de s'être fait aider par un accorte médecin, aux honoraires dispendieux mais à l'efficacité redoutable pour effacer ses interventions.

Récemment, j'ai lu dans un magasine dédié à l'intelligence masculine (et à l'indigence éditoriale : allez, hommes, battez-vous pour faire s'effondrer la pertinence du droit de vote, cela nous permettra de continuer à ridiculiser nos hommes politiques) que, du fait de cet argument martelé et digéré par des femmes ne sachant plus quelle pillule avalée, et pensant donc qu'après 40 ans, elles pouvaient s'en passer, le taux d'avortement de cette tranche d'âge avait fortement augmenté. Il serait donc possible, et même plus qu'on veut bien nous le faire accroire dans le but de nous inciter à mener un combat acharné contre notre déchéance physique, de tomber enceinte naturellement après 40 ans, et sans trop d'effort encore.

Sceptique, lorsque j'ai été prise de nausée et de douleurs abdominales à faire passer une gastro pour une danse du ventre, j'ai aussitôt accusé la tassimo que je venais d'acquérir. Tapant désespérément dans gogol, "allergie à la tassimo", et lançant mes symptômes sur la toile à la recherche d'un avis non médicalement approuvé, je tombais sur des forums fort intéressants, pouvant servir de sujets sur " la solidarité paranoïaque féminine en milieu ignoré par la science" : j'ai pu me rendre compte qu'au bout d'un certain nombre d'échanges, une internaute disparaissait de la discussion enflammée, ayant certainement préféré fermer la fenêtre de son ordinateur pour franchir celle de sa cuisine.

Couchée, déprimée, malade, écoeurée, j'ai dû me résoudre à affronter un médecin qui , bienheureux, m'a annoncé, ma maculée conception : j'étais enceinte, malgré mon âge avancé et mes multiples tentatives (mal à la tête, inspecteur Barnaby, enfants pas couchés, ...mon mari vous en parlerait mieux que moi) pour dormir tranquille. Et je n'en étais pas fière....

Au contraire, j'avais honte : moi, une vieille, ne bénéfiçiant ni de l'onguent photoshop, ni d'une plastique digne d'être reproduite, j'osai démontrer ma fertilité, alors que tant d'autres, plus jeunes ou moins pourvus en gosses, avaient échoué aux différents examens qui échelonnent une grossesse aboutie. Je voulais le taire, d'abord dans la crainte d'une fausse couche, ensuite dans la crainte de la trisomie, après parce qu'il était trop tard. Je ne l'ai annoncé à mon employeur qu'au bout de 5 mois, parce que cela devenait difficile à cacher. Si j'ai dû le dire à mes enfants ( mon mari, non aveuglé encore par la coupe du monde, s'en est rendu compte lorsqu'il a senti un soudain renflement mammaire, malheureusement suivi d'un accroissement ventral) en leur interdisant d'en parler à leurs copains (le petit a tenu dix jours, la moyenne un peu plus, le grand croit encore que j'ai avalé une cigogne), ma famille n'est pas encore au courant. J'ai pourtant rendu visite à mes parents, enceinte de 6 mois : ma mère s'est juste félicitée que j'entre dans le cercle des femmes qui grossissent après la quarantaine. Bon, j'attends l'accouchement et là je lui présenterai mes kilos en plus.

Moi, la seule chose que je peux mettre en valeur, ce sont mes rides.

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