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je vis, je dis, je ris ...ou pas
19 octobre 2014

Ressort comique

 

Il y a pire que les repas de famille, où la tante Yvonne vous demande, pour la cinquantième fois, quand est-ce que vous allez vous marier, alors que vous lui présentez votre quatrième enfant, tout ça pour vous faire ressentir son aigreur de ne pas avoir été invitée à la noce (dont ceux qui y étaient : les époux et les témoins, ne gardent pas un grand souvenir, si ce n'est de la robe de la mariée qui était tellement "originale" qu'ebay a inséré spécialement une nouvelle clause, dans son contrat "faites-nous confiance", excluant les imitations de haute mouture, pour ne pas effrayer les utilisateurs (clause guère respectée, certainement à cause d'une police en petits caractères, car je peux encore me fournir assez facilement en pantalons qu'un clown jugerait surjoués et que mes voisins évitent de peur d'être agressés) ; c'est devenue une affaire classée, malgré sa fausse facture).

Il y a les repas d'amis de mon mari. Non que les amis de mon mari soient indigestes, ils sont au contraire d'une catégorie socio-professionnelle supérieure à la mienne, qui n'est professionnelle que par la foi que ceux qui m'emploient ont en leur capacité de ne pas avoir pu s'être autant trompé sur les miennes, et sont donc dotés d'un patrimoine immobilier conséquent dont ils aiment parsemer leurs conversations anodines, tandis que moi je me contente d'essaimer mon patrimoine génétique, en attendant que le nombre des années leur donne  la valeur de quitter le foyer.

Heureusement, les amis de mon mari (qui restent ses amis malgré le fait qu'il n'est pas prospéré ni par son métier, ni par son alliance) sont bienveillants et pour ne pas embarrasser mon niveau intellectuel me placent à côté de la mère d'un ami qui a pour principales qualités d'être sourde et bavarde : un peu comme la tante Yvonne, mais veuve d'un médecin réputé (et non d'un éleveur de vaches bouchères), ex-conseillère juridique (et non comptable non déclarée d'un éleveur de vaches bouchères) avec un appartement à l'Alpes d'Huez (et non des bas sous les genoux pour être à l'aise). j'ai donc juste à écouter et hocher la tête comme une peluche à l'arrière d'une voiture qui attend le feu vert pour se rendre compte qu'elle est scotchée.

Afin que je puisse détendre régulièrement mes lobes occulaires (regarder avec les oreilles revient à jouer la pantomime du mur qui essaye de deviner où la perceuse va le frapper - un rôle de décomposition), on m'a gentiment placée à un coin de table contre un radiateur (cancre là !) et toute personne placée à ma gauche (une bonne dizaine) doit donc gentiment me demander de me lever pour qu'elle puisse atteindre les toilettes, fumer sa cigarette dehors ou admirer mon lever qui approchait le mouvement perpétuel et dont je pouvais me vanter qu'il relevait plus qu'il ne m'asseyait.

La dame sourde, placée judicieusement à côté de moi, après avoir skié sur les sommets, vendu sa résidence à la campagne faute de personnel suffisant, s'être plainte que son associé et elle s'étaient déplacés vers Guéret pour sauver une entreprise spécialisée dans les circuits intégrés et n'avaient pu dénicher aucun camionneur qualifié (dans les circuits intégrés ? heureusement on ne me demandait pas de comprendre le monologue, juste de sourire et de manger, ce que j'arrivais à faire entre deux flexions et trois pardons), s'est mise à parler gynécologue, pillule et truc croustillant.

Une autre dame sourde (mais moins,  un repas sans dames sourdes c'est comme une pièce de théâtre sans répétition : rien ne vaut le bouche à oreille) comprend de travers (la surdité est un bon ressort comique, j'en étais un autre) et s'étonne que mon mari prenne la pillule. Mon mari a beau s'en défendre, sa réputation est faite : il est un homme moderne qui a choisi de spolier la femme de son droit à contrôler sa fécondité. Il est congratulé, surtout quand il ajoute que la meilleure contraception est l'abstinence (occasionnée par la présence d'un nombre trop important d'enfants). Je me lève, non pas pour quitter cette cène pathétique, mais pour laisser passer un fumeur opressé (notez que le fumeur a une bonne excuse pour quitter la table, alors que le non fumeur a une bonne excuse pour critiquer le fumeur pendant qu'il quitte la table).

Je ne dirai pas que les amis de mon mari sont mes amis,  je dirai que les mères sourdes des amis de mon mari sont côtées en caquetage à rente et sort sans arrêt.

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