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je vis, je dis, je ris ...ou pas
10 janvier 2015

Abonnée à la caricature

Je ne suis pas une lectrice de Charlie Hebdo : je n'apprécie pas l'humour, je n'aime pas les dessins et je n'ai donc pas choisi de les soutenir en m'abonnant à une revue qui ne porte pas mes valeurs. J'ai juste ce matin participer à un rassemblement organisé par la ville voisine, plus pour protester contre ces morts inutiles,  ces gens non armés même si mordants, qu'il suffisait de mépriser si on ne les appréciait pas. J'avais les larmes aux yeux bien sûr, comme tous ces derniers jours où je n'arrivais pas à me détacher du fil de l'actualité, effectuant des pauses régulières dans mon travail (pas de persiflage s'il vous plait) pour m'informer (moi qui déteste "être au courant", l'actualité étant une grande diarrhée que personne ne retient), parce que cet acte m'a heurté, parce qu'il concernait des gens qui ont marqué ma jeunesse (même si Cabus a renié sa période Club Dorothée, pas moi), parce que ce n'était que des dessinateurs, correcteurs ou des personnes se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment. Je me refuse cependant d'encenser Charlie Hebdo, je pleure pour les morts inutiles, les survivants qui j'espère parviendront à plus que survivre, les familles dévastées, la haine, la violence qui règne en continu.

Avant cet événement tragique, je voulais écrire, sur un ton humoristique comme j'essaye toujours de m'y efforcer, même si on peut surtout rire de mes prétentions, sur un épisode qui m'avait choqué : je m'étais fait agresser verbalement par un homme parce qu'il s'était supposé que je doublais une dame dans une file d'attente . Je savais que j'étais dans mon bon droit, que j'étais là depuis plus longtemps que la dame qui s'était approchée au maximum du comptoir pour me doubler, et je lui aurai laissé cette place qu'elle convoitait si le pharmacien ne s'était adressé à moi parce qu'il savait que j'attendais depuis plus longtemps qu'elle. Et ce monsieur m'a accusée de façon agressive de ne pas respecter l'ordre de passage, alors qu'il venait d'arriver depuis à peine 2 mn. Ma fille qui m'accompagnait à commencer à hausser le ton en le traitant de menteur, mais je l'ai calmée, ai payé ma pommade anti-rougeur (pour ma dernière, même si mes joues étaient écarlates) et je suis partie sans rien lui répliquer. Si des gens sont capables d'en venir peut être jusqu'aux mains dans une pharmacie pour gagner quelques minutes, il ne faut pas s'étonner que des jeunes complètement paumés, endoctrinés, lessivés du cerveau, salivant d'en découdre,  en viennent à tuer sous le prétexte fallacieux de défendre un prophète mort depuis longtemps et qui ne peut plus être humilier que par le comportement de ses soit-disant disciples (dans le même genre (même si à un degré moindre, heureusement le Tu ne tueras pas reste un commandement) : ceux qui au nom de la sacro sainte famille ont trouvé un bon prétexte pour hurler leur détestation des homosexuels) .

Je n'ai pas souhaité la mort de ces jeunes, même s'il n'y avait pas d'issue parce qu'ils s'y étaient préparés et  même s'il  souhaitaent partir avec une aura non de martyrs, mais de héros de la cause toujours, je n'écoute que ce qui me plait à haîr (alors qu'ils défendaient plus le droit à l'obéissance que le droit à l'obédience). Un procès, un isolement forcé en prison, une attitude bravache mais vaine, auraient peut être mieux servi que cette fin rapide, frustrante, désespérante, fatale, implacable et qui ne corrige rien. D'autres jeunes (ou moins jeunes) vont ils suivre leurs traces ? pour voir leur nom briller gràce au sang, au terrorisme et à la curée médiatique, pour trouver leur place, s'admirer en train de décimer et semer la peur, se sentir fort en justicier de Dieu, se venger de sa mère fusionnelle, de ce vieux qui l'a giflé parce qu'il piquait le pain au chocolat de son petit fils, de la gauche qui ne croit plus en rien, de mauvais dessins qui ne sont saisissants que parce qu'ils étaient prémonitoires ? Cela ne peut être une fatalité : peuvent-ils être encore repêché par l'école, l'emploi, les mains tendues, dépourvues de tout extrémisme, l'arrêt des jugements hâtifs sur le faciés et par l'espoir qu'en tout être une once d'humanité subsiste et qu'il suffit d'y extirper les mauvaises herbes (l'argent et la religion) pour qu'elle s'étoffe. Sont-ils perdus à tout jamais ? Mon fils pourrait-il être l'un deux ? (non, il vient de se raser la barbe...)

N'y a t'il que la violence, la haine, l'intransigeance pour penser contrôler ce monde que plus personne ne comprend ? Je veux bien participer à un rassemblement de combat contre l'intolérance et la barbarie, mais point si cela revient à réclamer la peine de mort contre des gens que nous ne pouvons nous permettre de juger, nous qui nous mettons en colère si facilement contre la machine à café qui ne s'est pas mise en route à l'heure programmée, contre le facteur qui s'est trompé dans sa distribution, l'épicier du coin qui pratique des prix prohibitifs, contre le gouvernement qui n'arrête pas d'augmenter les impôts et l'essence par dessus le marché , contre les gens en général qu'on ne salue plus, dont on se méfie de peur qu'ils nous volent notre portefeuille, se repliant sur sa famille, sa communauté, ses a priori, ses valeurs en danger, ses certitudes bafouées, ses croyances attaquées, ses Le Pen qui se découvrent républicains quand y'a du bon fumier pour prospérer. Qui n'a pas déclaré : je le tuerai en pensant à son mari, son voisin, son patron, son président, sans passer à l'acte heureusement...ou si, mais vous ne le criez pas sous les toits. Qui n'a pas appris que dans notre lourde histoire, les catholiques ne se sont guère mieux comportés que les musulmans s'il fallait faire le décompte des victimes de ceux qui interprêtent les prophètes incapables de s'expliquer quant au véritable sens de leur enseignement. Un prophète n'est qu'une personne qui a rencontré la vérité d'une autre.

Je suis Charlie, dans le sens où il faut saluer leur fierté de ne pas flancher devant les menaces au risque de leurs vies, mais je ne veux pas m'abonner à Charlie, à leurs bêtises caricaturales et souvent laides, car justement je ne veux pas trahir mes principes face au chantage de l'émotion. Pour être également bêtement caricaturale (je ne suis depuis le début qu'une caricature de moi-même),, si cela avait été des journalistes de Minute qui avaient été tués, j'aurai peut être (misère que c'est difficile de s'ériger en chantre de la droiture et de la vertu) participé à un rassemblement en soutien à la liberté d'expression (cela s'exprime un journaliste de Minute ?), mais je ne me serai en aucun cas abonnée à ce torchon....cela s'appelle la psychologie persuasive : avec cet exemple, je me demande si m'abonner à Charlie Hebdo n'est pas un moindre mal !....

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