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je vis, je dis, je ris ...ou pas
3 février 2024

Ingénu informaticien

Mon premier est ingénieur informatique. Cela fait aussitôt penser à un garçon un brin coincé, les cheveux longs, négligé, les lunettes constamment vissées sur son nez et le nez constamment vissé sur un écran. C'es exactement mon fils ! Bien que depuis qu'il travaille, il porte un jean au moins une fois par semaine, et non ses sempiternels joggings sans forme, souvent noirs, tombant sur ses baskets noires. Et il s'est acheté une veste seyante, noire évidemment.

Non pas que mon fils n'aime pas la mode, il n'en connait qu'une, la binaire...Il est la preuve qu'un gars dysléxique (non diagnostiqué, car il n'était pas de bon ton à son époque d'être "dys" pour excuser tout retard ou difficulté scolaire. Il collectionnait les zéros en dictée, pouvait tenir un raisonnement tout à fait juste en mathémathiques, mais donnait un mauvais résultat, parce qu'il n'avait pas su lire comme il faut la consigne ; une professeur au collège a mentionné son handicap, sans s'arrêter dessus, parler de PAP, de quart temps ou autre modalité facilitatrice. Il a redoublé deux fois et il a choisi d'aller en prépa après son bac STI2D que parce qu'une enseignante l'en avait jugé incapable. Il y a survécu et il a fini par décrocher son titre d'ingénieur pour malheureusement le ternir dans la vie professionnelle.

Il est également légèrement autiste, pas du genre dont tout le monde recherche à être diagnostiqué, qui donne des capacités surhumaines, vous fait calculer en une seconde des opérations à 10 chifres ou réciter l'histoire du monde, de l'émergence de la matrice plamico-bionique originelle (dont un culte fut célébré de - 4 500 000 à - 4 499 999, le temps de se rendre compte qu'il n'y avait encore personne sur terre pour vriament comprendre le concept de l'immaculée conception) à l'apocalypse promise par les Absilandais en l'an 4051 de leur ère, ce qui ne saurait tarder, en omettant l'aspect négatif de l'autisme qui semble être une sensibilité exacerbée à la croyance populaire que l'intelligence rend moins con.

Il souffre d'un autisme particulier, qui fait que, pour un informaticien, il s'est programmé lui-même, de son lever à son coucher, de son lundi à son dimanche (par exemple, il ne mange plus de pain lorsque sa boulangerie est fermée pour cause de vacances). Tout à fait compétent pour interagir, il a de nombreux tics de comportements comme de langage, ce qui fait que ses collègues avaient organisé un bingo, en donnant gagnant celui qui cochait en premier une ligne complète de ses expressions favorites. Il est capable d'amitié, même s'il n'aime pas le changement .C'est pourquoi il a gardé un petit cercle d'amis depuis le collège ou lycée (aucun de la prépa ou de l'école d'ingénieur, masi la compétition était trop forte pour que s'y glisse une fragilité possible ; il préférait rester au bas du classement pour ne pas sentir la pression des autres désireux de le dépasser - plutôt du style solitaire, il a toujours su choisir ses amis ; un ou deux à chaque fois, mais toujours des gars sérieux, voire intellectuels. Il ne s'est jamais laissé influencé par les trouble-fêtes, incapable de ressentir le plaisir de se distinguer. Avec le travail, il commence à comprendre le sens du mot rebellion) et ils se réunissent régulièrement, le plus souvent par écran interposé puisque leur situation professionnelle les a éloigné géographiquement les uns des autres.

Quand il était petit, il passait son temps à trier ses yaourts dans un certains sens avant d'en choisir un, à écrire des chiffres sur une pages de 1 à 9, avant de tourner une deuxième page où il marquait un 1, et ainsi de suite pendant des heures. Je ne me suis pas inquiétée, il était si calme (avec sa soeur, plus remuante, j'ai dû faire intervenir la télévision...). Puis, il a découvert les Pokemon et c'est devenu son obsession (en même temps, je lance un appel, si les inventeurs des Pokemon cherche une personne pour continuer à en créer de nouveaux et leur donner les noms les plus élucubriens possibles, je suis volontaire, même bénévolement (même si en fait je n'en connais pas tous et risque de produire des noms déjà existants, genre Castamande (genre de castagnette à tête d'amande ou de galette des rois pour les grands événements), Castobrico (genre de castorama qui s'est fait racheter par monsieur bricolage, type arnaque), ou Castalaideron (genre castafiore qui se trouve laide en son miroir, type psychotique). Je peux mieux faire, j'en suis sure.)

Donc, maintenant il travaille, dans la région parisienne et comme tout parisien, il a des mollets en béton (en harmonie avec le paysage qui l'enveloppe d'une beauté brumeuse tirant vers le stressant). Il a vendu sa voiture (au passage, éviter d'acheter votre véhicule sur le boncoin ; elle n'était pas chère, fournie avec des pneus hiver gratuits, mais il n'y aura que les pneus hiver (dont on s'est rendu compte par la suite qu'ils ne faisaient pas la paire) qui n'auront pas besoin de se faire réviser régulièrement chez le garagiste, dont la main d'oeuvre doit être cotée en bourse. Une fois, nous en avons eu pour plus de 800 euros (le prix de son loyer mensuel actuel, mais il ne se plaint pas, il arriver à enfiler ses chaussures en se contorsionnant entre la douche et le coin droit du lit), avec à la clef (sans molette) une explication digne d'une facture d'Edf avec taxes et court-circuits inclus.  Passage au contrôle technique : les bêtes pneus (pas ceux qui étaient offerts donc) étaient tout usés. L'avantage de l'électronique, c'est que le boitier il va vous faire l'expertise et aider le mécanicien à y comprendre, alors que pour les pneus, faut juste des yeux et, chez le garagiste,  il vous sorte souvent de la tête....(je ne citerai pas ici, dans ce post qui se veut tolérant et digne, les inconvénients de l'électronique. Ceux qui ont regardé, avec envie, une deux-chevaux dévaler avec prestance la route qu'ils auraient dû emprunter pour leurs vacances, comprendront ma mansuétude).)

Il prend donc les transports en commun (qui n'ont de commun que la vulgarité), mais pas à l'aller pour justement éviter une promiscuité propice à se retrouver propriétaire d'un élevage sur lequel vous ne pouvez pas parier, même pas sur celui qui aurait bien pu vous refiler ce mauvais filon (il a réussi à les déloger après plusieurs shampoings énergiques sans toucher à sa longue chevelure ; peut-être que les poux se sont épuisés à grimper et descendre ses lanières bouclées et recouvertes d'un reflet cuivré lorsque le soleil  (il existe aussi à Paris, même si lorsque la neige tombe, elle fait bien plus sensation) daigne s'élever au-dessus des tours érigées à la gloire du "pourquoi faire court quand on s'entend parler"). Il peut rejoindre son lieu de travail en 45 mn, ce qui lui permet d'avoir les poumons les plus pollués de la ville (il a déjà été approché par plusieurs spéléologues pour comparer ses bronches avec celles d'un carmélite au Lahore, car chacun sait que les voies du seigneur sont impénétrables....sauf issue fatale).

Au retour, donc, il prend le bus, non pas qu'il soit harassé par une journée de travail exigeante (il l'est), mais parce que la montée qu'il doit franchir avant d'atteindre le seuil de sa résidence hyper sécurisée (des voisins veillent à maintenir un bon niveau de délation) l'achèverait, même avec un exercice quotidien. Il lui faudrait alors reprendre son souffle et perdre ainsi une précieuse énergie qu'il ne pourrait consacrer à se prélasser devant son ordinateur (personnel celui-ci, ce qui change tout). Il mange son diner vers 20h (oeuf à la coque le lundi, le mardi, et le mercredi,steack de jambon le jeudi et le vendredi (toujours avec, pour accompagnement, quelques pâtes). Le déjeuner est plus varié, puisqu'il suit ses collègues aux petits bistros alentours où il prendra souvent le même plat (il adore les sushis, même si cela le rend malade ; tant que le cerveau n'aura pas couper la connexion restos-sushis, il lui sera difficile de ne pas terminer sa journée aux toilettes.)

Je peux me moquer de mon fils, mais il est vite devenu indispensable au boulot, peut-être parce qu'il est naïf (une fois, à la gare de Lyon, la seule fois où il y est allé seul, avec son air de campagnard crédule, il s'est fait embobiner par un mec qui est arrivé à lui vendre des cartes à la valeur nulle et un CD illisible contre la somme de deux cents euros (le mec a dû ensuite se convertir au carmélisme pour prouver que le Lahore peut être polluée, mais pénétrable par les voies divines). Cela ne lui a pas suffit, il s'est fait arpenguer par une dame qui a réussi à lui soutirer quelques billets pour l'achat de couches, puis de biberons (son gamin de 15 ans était un peu attardé). Heureusement, son train est arrivé car, devant lui, se tenait une file de gens bienveillants prêts à baiser les genoux de ce dispensateur d'espèces, sans autre contrepartie qu'un mensonge trébuchant. Il savait qu'il se faisait arnaquer, mais il ne sait pas dire non (sauf à moi, quand je lui demande de débarasser la table)).

Au boulot, c'est pareil. Son patron Paul (qui connait bien le goût de la merde) l'a bien compris. Il l'a embauché comme développeur et l'a sacré chef-dév à la place du chef-dév au prix d'un développeur. Il y a toujours un projet plus urgent qui ne lui permet pas de finir un projet qui deviendra urgent parce que le client menace de rompre le contrat. Il doit s'occuper d'encadrer 5 alternants (main d'oeuvre corvéable, peu onéreuse qui ne devrait pas dépasser les 20% de l'effectif et se retrouve en fait à chercher un continu au courant pour essayer de se former), de développer donc (autre chose qu'un argumentaire sur "quand il a dit au stagiaire de finir ses trucs, ce n'était pas péjoratif, truc est un déterminant générique significatif, ardemment utilisé par sa grand-mère qui ne pratique pas le schtroumpfisme mais le truquisme et dont il se permet d'utiliser la praticité quand il doit en même temps comprendre les besoins du client, dénouer le dixième bug de la journée et expliquer à l'alternant qu'il pourrait un temps soit peu le laisser travailler, en se consacrant à la tâche qu'il lui a demandé de terminer la veille pour le lendemain"), et mettre précipitamment, 20 mn avant la fin de sa journée, la production de tous ses collègues en ligne, pour se rendre compte que rien ne fonctionne et qu'il va lui falloir encore une fois tout résoudre sur ces 20 dernières minutes. 

Le problème majeur est que son patron est paranoïaque, il a déjà fait appel à un huissier pour être sûr qu'un employé parte sans amener avec lui un secret défense pouvant couler la boite (qui tient peut-être grâce aux intercessions d'un carmélite lahorien, ancien escroc lyonnais). Il a placé des caméras et des espions pour pouvoir jouer les uns contre les autres, divisant pour mieux régner mais également additionnant des augmentations pour mieux saigner ses pauvres jeunes, accrocs à la lumière bleue. Mon fils, crème de la crème et autiste insensible aux flatteries, n'entre pas dans cette valse à l'émulation par le pire, et se laisse presser intégrement sans chercher à rejeter ses erreurs sur ses collègues. Il commence cependant à en avoir marre, ce qui se traduit par une certaine flexion du sourcil gauche. Certains de ses collègues avaient l'intention d'écrire un courrier de revendications, afin que cesse ce climat délétère, mais le courage humain, la qualité la plus énoncée mais la moins partagée, a fait que seulement cinq étaient prêts à apposer leur griffe sur un document, pourtant certifié par un avocat, dont mon fils et deux à condition qu'on leur done la possibilité d'utiliser un autre nom que le leur. Le courrier est donc passer à la trappe (comme le carmélite qui a été dénoncé pour fraude fiscale).

Mon fils, ingénu ingénieur, cherche à se rapprocher. Mais en relisant le portrait que je viens de dresser de lui, alors qu'il est l'homme le plus gentil sur terre, ayant toujours un mot aimable pour les personnes âgées, sans hausser le ton comme si l'interlocuteur craignait de n'être pas compris par cette antiquité sourde et causticisée, serviable envers ses prochains (sauf s'ils sont de sa famille, auquel cas il sait être sourd comme une antiquité mal débouchée), je ne me permettrai pas de lancer un appel à d'éventuelles entreprises, de peur qu'elles ne se révèlent n'être qu'une façade pour de postulants carmélites qui trouveraient que le Lahore n'est pas assez pollué pour éprouver leur foi en la crédulité.

 

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