Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
je vis, je dis, je ris ...ou pas
19 juillet 2010

Les souvenirs restent, le taon passe

Blues_copie

Bebb

Tel qu'évoqué dans le billet précédent, il est parfois fort désagréable de revenir sur les lieux d'antan, ceux sur lesquels l'enfance s'est accrochée, y tissant des lambeaux d'émerveillement, des reliefs fantasques, des trames épiques aux multiples chaînons manquants ; peinture floutée, mouvante où n'émergent que les coins bleus au détriment des tâches sombres.

Lorsque j'étais enfant, j'étais tarzan ,j'étais zorro, je subissais peurs et reproches mais mes héros me consolaient, me vengeaient ; je m'isolais et créais une ville entière hantée de playmobils inertes que je manipulais à ma guise ; j'avais pouvoir de vie et de mort sur eux lorsque je les abandonnais pour me réfugier devant Récré A2. Barbie n'aimait pas Ken, elle voulait un Prince charmant moins blond, moins rigide, moins tarte, qui pouvait me prendre dans ses bras et m'enlever du monde adulte, loin des monstres imaginaires qui peuplaient ma chambre et n'attendaient que la nuit pour se (me) découvrir. Pourtant malgré ces frayeurs irrationnelles, ces assauts sans cesse repoussés d'une angoisse qui parfois me saisissait à la gorge au point que j'en venais à suffoquer ayant oublié comment il fallait respirer, je garde des flashs de joie pure, des rires en saccade, des bouffées délirantes, des instants heureux où les yeux brillent et se cillent pour ne partager que le meilleur. Souvent, ne restent que les émotions, les sensations sans que puisse être défini précisément le lieu, la période ; d'autres fois, je suis persuadée que c'est ici que j'ai eu un fou rire inextinguible, là que j'ai sauté tel un cabri insouciant et je pense que revenir à cette source me permettra de revivre un bonheur fugace mais encore si vivant.

Il n'y a pas de pélérinage joyeux. La personne qui part n'est pas la même que celle qui arrive et encore moins que celle qui s'en retourne. La personne qui est n'est plus celle qui était. Le lieu, à chaque fois, s'offre dans toute sa nudité, malgré tous les artifices qui l'animent ; c'est l'esprit qui le déshabille et n'en conserve que ce qui touche. Les impressions sont si difficiles à partager, surtout avec soi - même. Je suis retournée dans la forêt de T. et j'en conservais de l'émoi face aux ombres projetées par la lumière, de la fascination devant ses arbres gigantesques dont 4 adultes ne suffisaient pas à faire la circonférence, une randonnée interminable où ma soeur et moi avions fini sur les rotules. Mais le temps passe, mais le taon passe....

Lorsque mon mari est moi y sommes retournés afin de pouvoir saisir photographiquement la droiture de feuillus imposants, s'élançant vertigineusement jusqu'à l'éblouissement final d'une trouée céleste, saisir photographiquement la rugosité de résineux s'évasant majestueusement en une juste révérence envers la faune tapie, nous nous sommes confrontés à mes souvenirs biaisés et à des nuées de taons voraces. Pas trace de ces gloutons dans mes resucées préhistoriques, pas de piqûres amères et exigentes, pas de combats déloyaux face à des stratèges du vol en piquet, pas de sursauts hystériques et de cris épouvantés. D'un côté, moi et ma casquette, de l'autre, d'affreuses femelles urticantes, affamées, harpies insatiables ayant décidé d'assouvir leur instinct grégaire sur des amas de sang chaud, invités à se sacrifier dans cet autel de verdure.

Nous avons décidé d'écourter notre visite après nous être assommés plusieurs fois en essayant d'immoler ces créatures sinistres. Je ne bouge plus de chez moi, je ne veux plus souiller les reliquats de mon enfance en les confrontant à une implacable réalité. Quand j'étais enfant, j'étais tarzan, j'étais zorro et tant pis si maintenant quand je tombe par hasard sur un épisode de la série, je trouve ça ringard...

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité