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je vis, je dis, je ris ...ou pas
25 juillet 2011

Comment de rien naquit l'incompréhensible

5 ans, l’âge de tous les possibles et de toutes les questions. Je l’attendais avec impatience (et avec modestie aussi, car je savais que je bafouillerais beaucoup et lirais, dans le regard de mon enfant, une première lueur de déception à la découverte que sa mère n’avais qu’une science diffuse) LA question philosophique primordiale dont la résolution ou l’insondabilité serait la première pierre plus ou moins branlante sur laquelle se bâtirait son identité.

Elle surgit toujours de façon inopportune, alors que vous partagez un grand moment de plénitude et de sérénité ; ici, en l’occurrence, vous étiez tranquillement occupée à colorier en violet un dinosaure qu’il vous avez supplié d’imprimer, pour tout de suite se rendre compte que ce prédateur sanguinaire avait une trop grande surface de chair pour ses petites mains malhabiles et vite découragées. Vous étiez bien, vous sentant utile pour une petite partie de l’humanité lorsque votre fils, posément, vous posa une énigme qui l’intriguait :

« Dis, maman, je me demande bien comment le premier homme, il est né ? ». D’abord estomaquée, vous regardez votre fiston avec fierté. C’est vous qui avait donné naissance à ce génie en herbe qui, à même pas 5 ans, vous questionne sur un sujet qui préoccupe et méninge les plus grands savants. Ensuite, l’affolement s’empare de votre cerveau plus habitué à suivre les rebondissements des intrigues cousues de fil blanc des séries policières qu’à conférencer sur les us et coutumes d’un univers en expansion. Au moins, apercevez-vous une image assez nette du chaos originel qui semble se rediffuser à l’infini dans vos neurones en mode panique.

Vous souvenant de la charte des droits et devoirs du parent d’un citoyen libre de penser et de confier ses pensées pour en attendre une réponse _ dont l’article trois stipule qu’un parent a le devoir d’éduquer sa progéniture, si possible en concordance avec les valeurs véhiculées par la société dans laquelle il essaie de s’intégrer, en général, et avec les vérités imposées par le système scolaire, en particulier ; une petite astérisque en bas de page spécifiant qu’il ne sera pas tenu rigueur à un parent qui raconte n’importe quoi, vu que l’enfant, la plupart du temps, ne l’écoute pas _, vous sortez de votre bibliothèque neuronale où avoisinent la recette du gâteau au yaourt et le générique de Téléchat, le petit Darwin illustré pour les nuls.

Vous ne le bernez en lui récitant la théorie du complot divin, selon laquelle l’homme ne serait que l’ancêtre de la télévision, chargé de divertir un dieu en mal d’adorateur, qu’une invention technique supérieure, époussetée le dimanche grâce à un chiffon liturgique, nourrie par le biais d’un courant alternatif ou orthodoxe et dont les errements programmatiques seraient réparés à l’aide d’une patère en guise d’antenne.

Vous commencez par le commencement. Au début étaient de violents orages, éclairs, échauffements et autres sources d’énergie, créant un immense champ magnétique propice à la fusion d’atomes crochus. Deux potes hydrogènes rencontrèrent ainsi l’ami Oxygène et l’eau surgit des volcans, comme Volvic a su si bien te l’expliquer. Naquirent des bactéries qui moururent, s’adaptèrent, se transformèrent  (1,2 ou 3 mais en mieux), devinrent des poissons, des reptiles, des singes puis des hommes. Et vous vous embrouillez lorsqu’il vous demande « et les plantes ? » (Punaise, le petit écoute ce que vous baragouinez ! ). Et ben, les bactéries étaient végétales, animales ; certaines devinrent des plantes, d’autres des animaux. Et certains animaux périrent comme les dinosaures ; d’autres sont très, très vieux, pas comme ta mère, mais plus, comme les insectes. Les fourmis existent depuis des millions d’années. Il y a eu pleins de croisements, une même souche put donner matière à plusieurs voies possibles. C’est pourquoi il y a encore des singes et des hommes qui ressemblent à des singes. Des mutations génétiques. La loi du plus fort. L’œuf et la poule. Maillon manquant. Bla bla bla.

Ouf, le petit s’est bouché les oreilles et a repris son coloriage de dinosaure écrasé par une météorite. Vous vous souvenez quand le plus grand vous demandez « Qu’est ce qu’il y a après la mort ? ». Vous n’entriez pas ainsi dans de grandes explications prétendument historiques, vous lui répondiez juste que personne ne le savait, que personne n’était revenu pour vous le raconter et qu’il fallait juste profiter de son existence présente, sans se poser la question de savoir comment agir pour mourir bien. Et s’il persistait en pleurant qu’il avait peur de mourir, vous le sommiez d’aller se coucher parce que ça suffisait ses conneries.

Votre plus jeune, lui, ne se questionne pas sur la mort, vu le nombre de pauvres innocents qui sont massacrés lors de chacun de ses jeux. Il est blond aux yeux bleus .Je m’interroge. Aurais-je donné naissance à un psychopathe qui s’interroge sur la pureté de ses origines pour ensuite asseoir sa dominance raciale en massacrant tous ceux qui oseraient vicier sa lignée aryenne ? Je m’en suis tournée vers mon mari, consternée par la tuerie norvégienne de ce week end, comment pouvait-on s’ériger en étalon de l’espèce humaine et se sentir supérieur simplement parce qu’on était détenteur d’attributs physiques soi-disant plus dignes de survie qu’un teint mat et des yeux sombres (mon cas en l’occurrence). Mon mari, blond aux yeux bleus, n’a pas salué le geste mais n’a pas voulu souscrire à mon opinion sur l’égalité des faciès humains. Je l’ai laissé lui et ses chevilles enflées et suis allée me consoler en replongeant sur mes livres d’histoires où tout commence au moment où l’homme brun et poilu brandit sa massue pour assommer le tigre aux dents de sabre qui voulait lui piquer son mammouth congelé.

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