THE - TOI

J'ai une théière, une superbe théière jaune orangée, d'une rondeur sensuelle et généreuse, qui aime sentir passer l'eau frémissante à travers son filtre, pour tirer du thé en feuille réfugié en son sein, le meilleur de lui - même.

Sauf qu"elle fait un bruit de clapots en folie, digne d'un roturier débouchant son gros rouge et se léchant les babines d'avance au goût épicé de son saucisson bien cru et grassouillet. Ce qui fait que si vous avez escompté prendre un petit déjeuner tranquille, vous risquez de voir débarquer votre marmaille, se frottant les yeux, paupières encore collantes et cheveux en épis, un peu effrayés par ce bruit d'origine suspecte, proche de l'éructation, qui va les faire se tordre de rire, une fois soulagés, mais aussi se tordre votre estomac vu qu'il vous faudra d'abord s'occuper de vos monstres avant de pouvoir vous attabler devant un thé refroidi.

Sauf qu'il lui faut bien 10 bonne minutes pour que l'infusion obtienne une couleur mordorée, pour que cesse la cacophonie et que l'eau retrouve une platitude, loin des bouillons et autres remous qui vous irritent à mesure que s'aiguise votre envie de sentir une légère amertume après un repas qui vous aura rassasié mais laissé les frissons de la digestion, et que Marcus semble avoir compris le fonctionnement de cet engin qui signale par son calme soudain que maman va enfin pouvoir s'abreuver d'un peu de tranquilité et que c'est le moment de se manifester et de réclamer attention et calins ; ce qui fait qu'une fois Marcus rassasié de caresses et les yeux mi - clos, il ne vous reste un thé refroidi et un affreux dilemme : refaire un thé gouteux avec votre théière traitresse et réveillé Marcus, ou verser le thé au gout passé dans une tasse et le faire réchauffer au micro -onde au drille joyeux en fin de parcours et réveillé Marcus, ou aller vous coucher le gout amer d'un grand manqué à la bouche.

Sauf que cette théière est faite pour les adeptes du thé et que moi trop d'amertume me rend amère et qu'à chaque théière j'hésite sur la quantité à lui offrir et qu'imaginons qu'après 10 mn de bruyantes attentes, aucune tête brune ne surgissant, aucun cri désespéré ne se manifestant, je me trouve attablée devant un thé fumant que doucement et avec délectation j'avance à mes lèvres assoifées, souvent celles - ci se déforment sous une grimace d'insatisfaction : encore trop fort ...et le contenu fumant du bol ou de la tasse est bu... jusqu'à la lie.

Aussi ma théière souvent trône en maitresse délaissée, pendant que ma bouilloire sifflote joyeusement, dégageant un fumet inodore, se rengorgeant sur un mince sachet où, un thé en poudre, emprisonné dans un blanc filet, va tremper 10 secondes le temps de colorer l'eau, lui donnant une amertume aussi légère qu'évaporée. Et là, gare à celui qui vient me déranger.....