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je vis, je dis, je ris ...ou pas
12 janvier 2009

Rubrique du chien écrasé

Un journaleux doit toujours commencer par la rubrique du chien écrasé pour faire ses preuves. Mais encore faut - il qu'un conducteur se sacrifie pour écraser le chien. Je dois donc hélas me manifester si un journaleux désireux de commencer dans la profession venait à parcourir désespérément les espaces virtuels à la recherche d'une route sanglante. Je lui résume le pitch de ce qui ne pourra faire un bon film sauf à zoomer sur mon visage plissé d'horreur à la vue soudaine de deux chiens surgissant tel des zorros qui n'ont pas compris que leur pelage noir ne leur vaudra jamais un encart publicitaire car si Lagarfeld pourrait vanter leur beauté, il devrait déplorer leur absence totale de reflexion dans l'opacité d'une nuit sombre et glaciale.

Le conducteur vient donc de déposer son fils au bus. Inconscient, il roule à moyenne allure, ses oreilles accaparés par les interventions d'intervieweurs percutants (un signe du destin !). Arrivant en vue d'un village, il enlève les pleins phares pour leur privilégier les feux de croisement afin de ne pas aveugler les prés environnants et les corneilles ensommeillées. Soudain, devant ses yeux effarés, surgissent deux chiens gambadant joyeusement, langues pendantes et pupilles brillantes. Ceci, pour signifier que quand le conducteur les a vu, ils étaient déjà trop prés. Pris de panique, l'automobiliste appuie précipitamment sur la pédale de frein. Mais le sol est verglacé et la voiture n'obéit pas à l'injonction de s'arrêter ; au contraire, elle glisse inexorablement vers le coup fatal. Un coup de volant pour éviter l'inévitable mais c'est alors le fossé qui se profile. Un choc se produit quand même. Le conducteur croit voir une silhouette roulée et une autre qui s'enfuit à toutes pattes. L'automobiliste arrive à se stabiliser et se gare sur le bas côté. Son coeur bat la chamade, son pouls bat sa coulpe. Là se joue dans son crâne une tempête digne d'un Valjean prit dans un dilemme brouillon vu que ses esprits se sont un peu égarés sous une émotion palpitante : repartir en route pour le travail et laisser la bête sur la voie ou éviter le délit de fuite et se mettre en retard. Le brouillard s'éclaircit au fur et à mesure que les battements de cet organe joueur se calment. Le chien est au milieu de la route et le bus va arriver; Il  faut intervenir pour que le chien percuté ne soit pas écrasé, pour que le bus n'ait pas un accident. Le conducteur met ses feux de détresse et sort dans le grand noir. Il repanique car que faire, qui avertir. Il s'approche du chien, il bouge encore. De ses yeux piteux, il regarde celui qui l'a battu alors qu'il courait inconsciemment. Il remue la queue mais reste allongé, le dos certainement brisé. Le piéton (il n'est plus au volant, il n'est donc plus rouleur) n'ose pas toucher l'animal (ne jamais toucher un blessé a t'il appris lors de ses lointains cours de secourisme et puis celui - là pourrait le mordre). Une voiture s'approche. Vite, signaler la présence de l'animal. La femme qui a oublié d'enfiler son gilet de sécurité et de sortir son triangle (la panique n'est pas bonne conseillère, encore moins en mode) fait des signes. La voiture s'arrête et en surgit une dame qui s'avère être la maman d'une copine de la fille du particulier accidenteur. Les deux dames se parlent mais ne savent comment agir. Les pompiers ne se dérangeraient pas, les voisins sont lointains. Mais les deux voitures servent de barrage et le bus passe sur le côté, sans encombre et sans étaler de sauce sur le lieu du crime. Un autre véhicule s'arrête et ce monsieur très sympathique connait le propriétaire du chien, un paysan qui laisse toute liberté à ses chiens de semer le désordre et la désolation. La maman appellera ce triste homme et prend les coordonnées de la femme qui doit poursuivre sa mission malgré son rôle de faucheuse (le chien est mort entre temps et les larmes que le conducteur a versé sur le chemin serviront d'oraison).

Celle - ci continue sa route, encore sous le choc. Soudain un bus lui fait des appels de phare. L'automobiliste vérifie : il n'est pas en pleins phares (ceux - là il les retient !). Mais après le tournant, il voit des girophares : les gendarmes entourent un accidenté. La femme, encore donc secouée, freine et là perd contrôle de son véhicule qui a décidé de se détendre en patinant tant qu'il peut. Le volant est tourné furieusement dans un sens, puis un autre. La voitrue consent à changer de sens  pour mieux glisser vers le trottoir, mais de plus en plus doucement pour stopper juste au bord telle une plume qui péserait son poids et ne chatouillerait que mes nerfs les plus sensibles. Pas le temps aux jérémiades, le conducteur repart aussitôt, faisant signe aux gendarmes qui ont assisté passivement à la scène, tels les coéquipiers du dessin animé d'Olive et Tom qui regardent l'adversaire marqué un but pendant 10 mn, la bouche grande ouverte et les pieds bien campés sur le sol. Tout juste si la femme eu le droit, en passant entre les forces de l'ordre à une moue de désapprobation, comme si c'était sa faute si l'accident n'est pas signalé avant le tournant et si le sol est salé après mais non avant alors que les plaques de verglas ne disparaissent pas une fois leur coup du sort accompli. Dans son malheur, heureusement que la femme avait percuté un chien auparavant, sinon son courage n'aurait peut être pas survécu à cette glissade non maîtrisée et n'aurait - elle pas redémarrée mais se serait consolée sur son volant en pleurant à froides larmes. Alors que là le patinage lui parut presque anecdotique, son coeur étant déjà occupé par un deuil bestiaire. Heureusement aussi que l'animal fut tué, car ce fut vers lui qui'alla toute sa compassion et non vers elle - même et ne prit - elle conscience du danger qu'elle avait connu que le soir, en réfléchissant que si le chien avait été plus lourd, le sol plus verglacé, c'est elle qui aurait pu mal finir ou du moins sa carosserie alors que là, la voiture et elle pouvaient se désoler, entières, de cet homicide involontaire. Et bien sûr que le paysan n'allait pas appeler puisqu'en fait, c'était lui qui devait des dédommagements pour ce qui aurait pu avoir une issue plus fatale, si, bien sûr, on considére qu'une vie d'homme est plus importante qu'une vie de chien...ce qu'a déclaré bien gentiment la fille (au courant par la maman) du conducteur : maman, je préfère que ce soit le chien qui soit mort que toi ! Et bien, je dois l'avouer : moi aussi et je suis heureuse d'être encore là pour le déclarer.

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