Le sale air de la peur
Ma fille est revenue en larmes hier. Je sais, une fille qui pleure, cela n’a rien d’exceptionnel. Surtout en cette époque où être victime, proposer ses meilleures larmes profilées, est devenu la meilleure façon d’être acclamé en héro. Le mieux étant de se présenter comme une victime d’actes à venir, genre terrorisme, tirs de poulets, vols de voix par le Front National (aberrant cette politique de l’absurde qui consiste à appliquer le programme du FN pour éviter aux français la honte d’être gouverné par Marine Le Pen…).
Donc ma fille pleurait en rentrant du collège. En mère attentionnée, je lui demande la raison de cet atermoiement (ma fille sait jouer la tristesse sur plusieurs registres. Il y a la tristesse bruyante, aux larmes grosses comme un diamant giscardien, qui cache une peine forcée. Cette comédie tragique est souvent bissée et relève d’un sentiment d’injustice face à une décision parentale non discutable ex : non, tu n’iras pas à l’école habillée comme une Rihanna de sous zone. Il y a la tristesse contenue et qui explose par à coups, lui dessinant un visage tordu et ma foi fort peu seyant pour une damoiselle de 11 ans. Ce trop plein mal contenu nous est servi lors de chaque repas familial, lorsqu’il s’agit de lui faire ingurgiter les dix petits pois qu’elle est en train d’observer depuis 20 mn. Il y a la tristesse apitoyante lorsqu’elle vient se réfugier dans mes bras pour se mettre à l’abri de son frère qui ne veut que la décapiter. Et il y a la tristesse silencieuse, où la mine est pâle, les yeux humides et le verbe silencieux. L à, je sais que je dois m’inquiéter).
Et c’était cette tristesse qui apparaissait sur ses traits hier. Tactiquement, je lui ai demandé si elle s’était fait fâcher (signe négatif de la tête), avait reçu une mauvaise note (re secousse de la tête de droite à gauche). Toujours calme, je lui conseille de cracher le morceau car là justement nous sommes à table et j’ai autre chose à faire. Elle consent à s’exprimer.
Au collège, ils ont projeté un film sur les dangers du transport en bus. Et ben, messieurs les éducateurs, si vous aviez envie de choquer de jeunes gosses grâce à des histoires catastrophiques et cauchemardesques, vous avez réussi. Ma fille, complètement remuée, de me conter l’histoire de M., tombée après un grave accident dans le coma et qui ne s’est réveillée que 10 ans plus tard, pas grâce à son prince charmant non, certainement devant une infirmière débordée qui venait juste d’injecter un remède de cheval à un gamin de 4 ans et de noter le numéro de téléphone de l’interne de service. Ma fille, déjà paniquée par la mort irrévocable, ne pouvait plus monter dans le car sans avoir au préalable rédigé son testament.
Ils ne pourraient pas plutôt projeter des mignons documentaires sur le soulagement des parents ainsi non contraints de s’époumoner pour conduire leurs enfants à l’heure, mais heureux de bénéficier d’un transport gratuit et peu polluant. D’accord pour expliquer les risques mais sans en rajouter ; comme si notre président démontrait les dangers de la délinquance en soulignant que le simple fait d’être étranger était suspect ! Marre de cette éducation par la peur !