Le voyeurisme à mateur

Qui ne s'est pas moqué de la commère acariâtre, aux lèvres retroussées sur un rictus amer, au regard désabusé et pourtant toujours à l'affût du ragot qui confirmera son peu d'affection pour le genre humain ? Qui ne s'est joué de la vipère caustique, en passant ostensiblement devant sa fenêtre, menaçant bruyamment le vent ou en tirant péniblement un sac de détritus, la nuit tombée, tournant la tête de droite à gauche comme pour éviter tout contact humain ? Et qui ne s'est pas régalé, en remarquant le coin du rideau beige sale discrétement se soulever, imaginant ses yeux fureteurs se régaler d'une nouvelle preuve de la déchéance humaine ? Qui ne l'a pas toisé hautainement, ridiculisant ce voyeurisme amateur ?

Qui ne s'est pas retrouvé à sa place, soulevant de moins en moins discrétement le rideau, brandissant un cou aux yeux exorbités, reculant lestement lorsque les victimes cherchent à fusiller les curieux ? Qui ne s'est pas senti l'âme d'un explorateur du quotidien à l'arrivée subite d'un camion de pompier, essayant de se faire accroître que si l'on mâte de façon inutile, sensationnelle, ce n'est que dans le but de se rassurer sur leur destination et leur intervention et non point dans celui d'avoir un sujet de discussion époustouflant et inédit, heureux à la pensée de pouvoir débattre, le lendemain, avec ses collègues, sur autre chose que sur la qualité déclinante des programmes télévisuels ?

N'empêche que, aujourd'hui encore, je ne sais toujours pas pourquoi les pompiers sont venus avec leur échelle, chez mes voisins, dimanche dernier et cela me turlupine. Je pourrais leur adresser la parole, mais alors ils risquent de m'inviter à prendre le café ; cela pourrait être le début d'une suite, longue et intrusive, d'apéritifs et de diners festifs où les seuls échanges intéressants porteraient sur la voisine du 13 qui passe ses journées à espionner les allers et retours de chacun.

Quant à choisir, je préfère que mes voisins croient que j'ai des activités mystérieuses plutôt que de penser que mes voisins ont des vies plus intéressantes que la mienne.

Comments

[ghislaine]

J'ai beau habité un petit village, je ne sais toujours pas pourquoi les pompiers sont venus. Le voisin me dit bonjour(il sourit, il n'est pas abattu, est - ce sa belle mère qui a brûlé ?), je lui dis bonjour. Bon, ça devait être un chat (sur les dix sept qui errent chez nous) coincé sur l'antenne télé et qui brouillait la réception de "mes voisins sont formidables du moment que je ne leur dis que bonjour".
Au passage, je te dis bonjour....

[Pascale]

Je comprend tout à fait ton problème; et je crois qu'à ta place, j'aurai mis un mot dans leur boite aux lettres, juste pour dire que j'espère que tout va bien pour eux. Je leur proposerai aussi mon aide si nécessaire.
Les gens retournent rarement les faveurs, et je pense que le risque de gossip sans intérêt est quasi nul...
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