Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
je vis, je dis, je ris ...ou pas
18 juin 2011

Conduire au radar

Même si je conduis souvent au radar, je ne me suis jamais fait flashée par un radar sournoisement camouflé dans une descente ou patiemment posé sur une route droite et ennuyeuse ; une route sombre et interminablement loin de son domicile, que parcoure une conductrice plongée dans des réflexions profondément existentielles sur le contenu de son réfrigérateur, ou un conducteur, impatient de plonger son nez dans un nectar whiskyien de retrouver sa femme, secoué par un rire bruyant à l'écoute d'une blague scabreuse des Grosses Têtes, ou un jeune occupé à envoyer un sms à sa copine pour lui annoncer qu'il va lui envoyer un sms. Bref une route sur laquelle trônent d'innombrables silhouettes noires à la tête peinte en rouge pour distraire les pilotes afin qu'ils puissent apprécier l'art contemporain.

Mon mari lui s'est fait photographier trois fois. A chaque fois je n'étais point présente pour lui signaler la présence d'un radar (mobile ou non ; l'avantage des radars mobiles, c'est qu'ils sont accompagnés d'un gendarme qui peine à se camoufler derrière une boîte aux lettres et souvent annoncés triomphalement par une fanfare de phares en goguette) et il n'a pu sourire que benoitement, ébloui par sa soudaine célé(b)rité. D'ailleurs, je me demande : si on interdit tous les appareils qui avertissent le conducteur que s'il ne modère pas sa vitesse, il risque de perdre des points sur ce qu'il lui est permis de conduire, cela englobe t'il les mauvais co-pilotes qui tirent le frein à main quand ils aperçoivent un bleu et sa quincaillerie ambulante.

Car chacun sait combien peut s'avérer dangereux le passager de la mort. Lorsque mon père conduisait, il s'en prenait sauvagement à ma mère lorsqu'elle lui indiquait qu'il fallait tourner là. Mon père étant à moitié aveugle, il s'insurgeait qu'elle ne puisse lui dire distinctement "tourner à droite", "tourner à gauche", avec une voix de maîtresse robotisée (ma mère était une GTS = Globalement Tape sur le Système) et l'accusait d'être inconséquente (je ne sais pas comment mon père a eu si peu d'accidents, il a par contre dû en provoquer quelques uns, dépassant rarement les 70 km/h ; il a quand même décidé d'arrêter de conduire quand il s'est retrouvé au milieu d'un rond point, heureusement dépourvu de toute végétation. Quant à ma mère, ayant survécu à 37 ans de conduites périlleuses sans qu'elle n'ait jamais souhaité passer son permis, je pense qu'on peut lui délivrer la médaille du courage (sa vie doit lui semblait bien terne à présent)).

Lorsque je conduis la voiture familiale, rentrant d'une fête où mon mari a écuvé plus de verres que n'en permet la marée-chaussée, et empruntant une route qui m'est inconnue, je m'énerve souvent contre mon co-pilote qui me murmure "tourne à droite", "tourne à gauche", exigreant qu'il me fasse un schéma pour me rappeler où se trouvent la droite par rapport à la gauche. Le temps que je réfléchisse avec quel main j'écris, le carrefour qu'il fallait emprunter nous a vu l'ignorer et la radio est couverte par nos hurlements hystériques. Et puis c'est crispant un mec qui cramponne son accoudoir à chaque fois que vous freinez, qui essuie son front perlé de sueur, à chaque virage en épingle. Moi, au moins, quand il conduit, je me contente de serrer les cuisses et fermer les yeux quand je pense qu'un impact imminent va produire des étincelles.

Alors, quand j'entends que le gouvernement veut faciliter le co-voiturage, je me dis que l'on va vers de grands ennuis. Votre passager peut s'avérer un affreux bavard qui va vous causer boulot tout au long du trajet, vous narrant les derniers ragots sur Natacha, qui coucherait avec le fils du patron et sur Dimitri qui baiserait la fille du patron et vous passerez une affreuse journée à vous demander combien d'enfants à votre patron. Il peut s'avérer être un écologiste pur jus qui vous regardera d'un oeil noir à chaque fois que vous ferez votre plein de gasole, n'arrivant pas à vous décider à partager son tandem. Il peut s'avérer un fan de musique classique, vous obligeant à écouter la 5ème symphonie de Van Houten à l'aller et le 3ème requiem de Brossard au retour et à finir dans le fossé parce qu'il vous a semblé écouter un triangle derrière le violoncelle. Il peut s'avérer taciturne, vous amenant à raconter votre vie et à vous retrouver la tête sur le volant, pleurant sur l'inanité de votre existence. Il peut s'avérer tout mignon et vous faire regretter de ne pas pouvoir l'échanger avec votre conjoint. Il peut s'avérer affreux et puant et vous faire supplier votre conjoint de mettre en route le 4ème.

Bref, moi j'aime bien être tranquille dans ma voiture et je propose un amendement qui stipulerait "tout individu qui envahira le territoire du conducteur, tactilement, acoustiquement, odorément, psychologiquement sera puni d'une amende correspondant à un délit de niveau 4, pouvant aller jusqu'à l'expulsion lorsqu'il y a récidive. Cette sanction ne pouvant être appliquée à un mineur, ce dernier devra, lorsque majeur, il sera détenteur du titre permissif, subir la présence constante d'une mère acariâtre et affolée, en guise d'enseignement."

 Pas besoin de radar, il faut juste un bon contrôle sur soi.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité