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je vis, je dis, je ris ...ou pas
6 août 2012

Un coq en pattes et en voix

Que faire quand une envie de meurtre irrésistible vous prend par les racines, sillonne vos entrailles, et irradie dans votre cerveau, au point que l’obsession sanglante imprègne vos circuits neuronaux et fusille par vos orbites tous vos goûts esthétiques. La vie perd de sa saveur et vos sens zigzaguent au ralenti lorsque l’être que vous haïssez le plus s’acharne à détruire vos aubes les plus pures, à vous extirper de songes mielleux en poussant un horrible, impérieux, strident cocorico, suivi d’un chapelet d’autres, comme un mantra récité contre votre béatitude.

Si je tenais ce coq, ce ne serait point le vin qui l’embaumerait. Chaque matin, à une heure indécente, que même mon réveil ne veut point déranger, qu’il pleuve, vente, bleuoit, qu’il faille de toute manière se lever ou implorer qu’il se taise à jamais, cet énergumène plumassier, au gosier jamais sec, se perche sur mon oreiller et criaille ma pitié. Il vibre tel un portable qui dérange un auditoire plongé dans l’antichambre du désir. Il cocoricote, il cocoricote, il cocoricote (ou kikirikis pour nos résidents secondaires anglais qui doivent regretter d’avoir quitté leur smog pollué par un afflux olympique pour la tranquillité dépeuplée d’une campagne française) et détricote mon humeur.

Les paupières et la main lourdes, je massacre mon entourage, enrageant contre cette mascotte qui m’asticote les tympans dès potron-minet, pestant contre cette trop grande liberté laissée à ces ergots qui chipotent ma fraternité. Je tremble d’intolérance et de fatigue. Je somnole d’indignation et je foudroie d’harassement. Je blêmis d’endurance et je rêve de matelas.  

Mon fils et moi, en bonne mère poule réputée pour sa chair frémissante, avons monté une expédition vengeresse afin de débusquer cet ennemi du sommeil va t’en guerre. Parcourant les vallons aux flancs labourés, affrontant les dogues aux museaux acérés, dépassant nos forces aux limites appuyées, nous fûmes égarés par un vent primesautier, s’amusant à disperser l’écho de la volaille aux quatre lobes de nos oreilles étourdies. Nous le crûmes ici, il chantait là-bas. Nous courûmes là-bas, il sifflait ici. Nous nous plûmes à secouer les volets, mais le gâte-sauce semblait ne pas voler dans ses plumes. Le coq n’était pas en pattes, juste en voix, qui ne sait pas que pondre du silence vaut son pesant d’or.

Ce matin, cependant, je n’ai point entendu le cri triomphant du mâle clamant sa hantise d’être ignoré des hauteurs. C’est bien mon réveil qui m’a extirpé des limbes de mon néant, pour me réjouir de n’être matinale que grâce à mes devoirs d’heureuse travailleuse. Les yeux éjectés sur les carreaux glacés, j’ai émis ma malédiction quotidienne contre l’animal pourrissant mes week end pour se taire les lundis au soleil. Puis sautant du coq à l’âne, j’ai écrit au maire pour exiger qu’il fasse preuve de son autorité et édicte, par arrêté, que la campagne se la ferme.

spirale.aneantis.com

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