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je vis, je dis, je ris ...ou pas
22 octobre 2012

Punaise, la soixantaine bientôt

Suite....

Alors que le temps continue à passer, contrairement à la souris qui s'est réfugiée dans le sanctuaire paradisiaque d'un derrière de placard où le balai ne s'aventure jamais (il faut dire que ce balai n'est guère téméraire et il préfère les vastes plaines, où les moutons paissent paisiblement, à peine déranger par son frôlement furtif, aux vallons tortueux, dont le soulèvement pourrait entraîner un haut le coeur, puis un redressement de l'ordre à coups de serpillière vilainement essorée, sur le thème de "Règlement de comptes à OK Carrelage" !),

je m'afflige de la couverture qu'il peut tirer sur les visages des êtres qui m'entourent. Comment reconnait-on qu'un individu a été frappé de la soixantainite aigue ?

- à sa retraite : celle dont il a attendu l'échéance avec impatience et qui, une fois acquise, va lui fournir matière à conversation. A chaque fois qu'il rencontrera un candide, inconscient de ce qui se joue dans le monde de l'inactivité reculée, il prendra un ton affairé, prenant le temps de dresser un inventaire exhaustif de ce qui motive son empressement, soulignant sa fébrilité par d'énormes sous-titres "c'est fou ce que je ne m'ennuie pas", "je n'ai plus de temps à moi", "je suis bien plus occupé que quand je travaillais". Il se plaindra également _ entre une exposition sur son séjour au Mexique où les pyramides lui ont semblé surfaites et une narration sur son escale au Guatemala où il s'est fait agresser, de quoi lui permettre d'étoffer ses mémoires qu'il va publier à compte d'auteur et dont il va envoyer un exemplaire à tous ses petits enfants pour qu'ils comprennent d'où ils viennent, même s'il a du mal à croire à leur avenir _ de sa petite retraite que l'on menace de prélever plus, alors qu'il s'active plus et que c'est grâce à lui et à ses semblables que la croissance française ne s'écroule pas. « NKM a raison, pourquoi veut-on m'interdire d'avoir envie d'être riche et ainsi, de pouvoir donner aux pauvres qui, si ça continue, vont toucher la même retraite que moi alors qu'ils auront jamais bossé... ». Si le sexagénaire n'est pas à la retraite, c'est qu'il est acteur, chanteur, animateur radio et là, il touche au pathétique pathétique... (J’augmenterai bien les cotisations  retraite de 1% rien que pour permettre à M. Aznavour, Holliday et consorts d’arrêter de nous brouiller les ondes).

- à son docteur : à la soixantaine, le corps s'éveille ou du moins, on dispose de plus de temps pour l'écouter et on se met à avoir plus de rapports avec son médecin qu’avec son compagnon, avec lequel on entre dans une surenchère de dépassements d'honoraires. Dans son agenda, on se débrouillera donc pour insérer quelques rendez vous avec la gente en blouse, de façon à garder un contact froid avec la sphère intellectuelle. On n'hésitera pas à disserter sur la paresse de son transit tout en théorisant sur les conséquences de l'insomnie chronique. On chuchotera sur les mystifications de la pilule bleue et on tendra bravement un chèque qui officialisera une relation certifiée sincère jusqu'à sa vérification sur doctissimo.

- à sa paranoïa : outre, le début du « c’était bien mieux avant », le sexagénaire se met, du fait de son temps libre bien rempli à épier derrière ses rideaux, à douter de tout à chacun et à imaginer, tel un enfant qui a peur du noir, qu’il est une cible rêvée pour tout agresseur qui s’ignore. Entend-il à la radio une recrudescence des vols à l’arraché de collier en or qu’arborent d’ honorables bourgeoises, que notre papy chauve, qui ne dispose même pas de dent en argent, étouffe sous la menace et se met à compulser les sites internet à la recherche d’une arme capable de désarçonner le malfrat et jubile lorsqu’il tombe sur une monstre espion, enregistreuse de conversations louches, lanceuse de jet poivré, simulatrice d’aboiement féroce et sur laquelle on peut mémoriser le n° d’urgence de la police. Il pense à installer des caméras de vidéo-protection afin d’empêcher les romanichels de voler les poules qu’il ne possède pas. Il se met à vivre dans une banlieue imaginaire où les terroristes sont légion et les musulmans armés. Qu’il ne rencontre que de paisibles assistés sociaux parlant à leur chien ou de jeunes apathiques rivés à leur portable ne le détourne pas de son combat pour le maintien d’un Ordre Juste selon ses besoins. Il n’a qu’une vision : celle de la télévision.

- à son alimentation : à 60 ans, on ne fait plus attention à ce qu’on mange. Avec tous ces centenaires qui s’expliquent qu’ils n’ont jamais lésiné sur le rouge et sur le gras, avec tous ces cancers qui vous spolient, avec tous ces médicaments qui sont pas fiables, avec tous ces produits qui s’avèrent dangereux une fois qu’on ne peut plus les remplacer, avec la ménopause qui vous rend bouffie ou aigrie, avec le jardin qui ne vous rend jamais ce qu’on lui donne, avec le temps qui devient de plus en plus pourri, avec le Dieu qui n’est même pas sûr qu’il existe vu la guerre qu’il sème partout, avec un compagnon soit qu’est aussi abîmé que vous, soit qu’est parti pour de la jeunette ou de l’asticot, manquerait plus qu’on se prive de la seule vie qu’on pourra contempler de son assiette. On ne demande pas un diner parfait, juste un parfait en dessert.

- à ses enfants : qui commencent à parler héritage et qui déplorent l’effet Elisabeth : au rythme de la hausse de l’espérance de vie, c’est au mieux petits-enfants qui pourront peut espérer régner sur le domaine familial…

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