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je vis, je dis, je ris ...ou pas
24 octobre 2012

La colère noire de la femme laide - un album de clichés contre Largo Winch

Alors que j'ai posé ce mercredi afin de briquer un sol envahi par la poussière et le laisser aller d'un gamin qui se désole que sa chambre soit trop petite pour contenir des jouets qu'il sème au gré de son ennui, et pour lesquels  son amour ne dure que 3 mn, je brandis et le balai et l'étendard du féministe pour m'insurger contre le dernier Largo Winch.

Pour ceux qui ne connaissent par la BD (et le film, que je ne connais pas non plus), il s'agit (en gros) de l'histoire d'un orphelin qui hérite d'un holding d'entreprises super puissant et devient multi milliardaire et incroyable, il n'est pas perverti par l'argent, au contraire, il développe une branche caritative afin de venir en aide aux enfants victimes de la guerre (pas ceux victimes du travail forcé dans ses entreprises vu que bon, du haut de son superbe building, il ne peut pas appréhender toutes les manigances de sous-traitants corrompus ; en même temps, cela permet aux auteurs d'en être à leur 18ème album et d'avoir la matière stratègique pour d'autres actions philantropiques de notre gentil boss contre ses méchants subordonnés pervertis).

Comme il est riche et beau, il obtient facilement les faveurs de nombreuses naïades pulpeuses et au caractère bien trempé, dont la plupart essayeront de le tuer et finiront pas y passer (remarquez que les auteurs accordent ainsi un lot de consolation à ces pauvres femmes attirées par l'argent ; elles sont avides (parfois par nécessité), mais le sacrifice qu'elles font de leur corps paraît moins cruel que lorsqu'elles sont obligées de gravir les échelons en couchant avec des grabataires ou de sombres idiots qu'elles cocufient au nom de leur ambition ou de leur objectif. Le fait même qu'elle s'accorde une once de sentiment pour un mec qui représente le summum de la masculinité (puissance, gloire, beauté et modestie) et pour lequel les femmes seraient prêtes à brader leur indépendance et leur droit de vote, offre une fêlure au personnage qui démontre ainsi son humanité derrière un calibrage blindé.)

Les femmes dans Largo Winch sont toutes des bombes : pas de mijaurée, pas de poitrines plates, ni de tailles au delà du 36, que des plastiques retouchées et botoxées. Elles sont fortes mais se soumettent à leur désir pour un mâle irrésistible. Elles couchent sans préférence de sexe, plus avec des hommes cependant puisque c'est eux qui sont détenteurs des commandes et qu'une femme ne peut accèder aux plus hautes sphères qu'en vampirisant un riche hère influençable. Elles sont féroces et savent faire des acrobaties à la Van Damme (canadien humoristique dont la posture principal est un grand écart facial crispé). Une exeption notable : Silky sons, asiatique, petite, dotée d'un fessier énergique, d'une poitrine plus raisonnable mais lesbienne. Elle accompagne Largo dans ses aventures et le sauve souvent in extremis des pires situations. Et là dans ce 18ème album, alors qu'elle croit arriver le gommage de sa vie, voilà t'y pas qu'elle émet un souhait qui comblerait son coeur de gazon maudit et doterait sa vie d'une dimension supérieure  en lui otant toute sensation de frustration et de privation: embrasser un homme avant de mourir...A vomir ! Ouf, elle échappe quand même grâce au beau mâle à un viol collectif par des hommes crétins et peu délicats : elle aurait pû connaître la vraie jouissance et faut pas exagérer...

Largo est secondé par un acolyte roublard, menteur, voleur mais qui a bon coeur. Doté d'un physique moins agréable que Largo et d'une prestance inférieure (il n'est pas le héros mais un faire - valoir, comme Robin, sans qu'on ne puisse soupçonner la moindre ambiguité sur les relations qu'entretiennent les deux hommes puisque l'acolyte, dont je ne me souviens plus du nom parce qu'il me barbe, saute tout ce qui frétille à plus de 90D. Comme quoi, les femmes ne sont pas seulement attirées par l'argent, bien que notre ami n'en manque pas et l'étale facilement, mais également par un scénariste salace qui pense que ses lecteurs suivront d'autant mieux l'histoire qu'ils sauteront les invraisemblances pour se consacrer aux vrais rebondissements ...esthétiques).

Mais notre pauvre homme ne domine pas les retombées de son charme auprès de la manne féminine. Voilà t'y pas que ce dernier agit sur une riche péronnelle au physique repoussant (les auteurs ne vont pas jusqu'à lui dessiner une bosse dans le dos et des verrues sur le nez, il se contente de lui allonger le visage et de l'affubler de lunettes, ce qui est supposé être repoussant pour un individu habitué à la perfection mammaire). Fille d'un influent diplomate, elle exerce sur lui un affreux chantage : rester en prison ou l'épouser... Notre homme est abattu : il n'hésite pas longtemps entre Charybde et Scylla, car il ne parvenient pas à joindre Largo pris au piège d'une intrigue, qui n'a pas beaucoup d'intérêt sinon de faire mourir un possible frêre maléfique qui voudrait accaparer un héritage que Largo n'assume pas (le père étant un être vil et exécrable dont la principale qualité est d'avoir adopté Largo, un surhomme affable et beau et qui sait se battre et presque faire changer leur cuti à des femmes ignares sexuellement. Je me répète, mais les auteurs aussi), courageusement, il accepte de ne pas rester croupir dans une cellule non climatisée et consent à se faire pendre la corde au cou. Heureusement, la secrétaire de Largo qui est vieille mais sait conduire une moto le sauve in extremis(ce qui lui faudra la récompense suprême pour une femme de son âge : une étrainte fougueuse et inespérée !) de la calamité non seulement de se marier alors qu'il milite pour la liberté des femmes à coucher avec lui sans rien exiger en échange, mais surtout avec un laideron, le pire sort que puisse connaître un homme qui a survécu à la torture et à la syphillis. Juste une image de la riche écervelée en larmes dans sa robe blanche immaculée, et notre homme s'envole vers des vagins plus engageants.

Alors moi je dis, laideronnes de la terre unissons-nous !

Qu'est ce que c'est que cette infamie qui fait que les femmes doivent être baisables ou trahies. Devons-nous continuer à subir cette réputation d'idiotes désespérées ne pouvant obtenir qu'un homme s'engage à notre côté que si nous avons des arguments pécuniers, politiques ou à défaut de mieux. Notre miroir suffit à nous renvoyer une reflexion insondable sur les injustices de ce monde où les belles obtiennent gratitude, admiration et le bénéfice du doute.

Bien sûr, il est difficile de se proclamer laide, d'autres le font bien mieux pour nous, mais soyons fières de ce que pour nous aussi les apparences soient trompeuses, sans avoir à faire appel à un présupposé intérieur qui gargouille parfois inopportunément. Avançons nos seins inexistants pour stopper les quolibets condescendants, pointons notre nez trop grand pour empaler les critères barbiesques, décillons nos yeux trop rapprochés pour affirmer que nous le valons bien, même si nous ne sommes pas dotés d'une chevelure opulente, d'un décolleté promotionnel et d'un tailleur trop moulant pour survivre au-delà d'une respiration. Prenons nos bourrelets à deux mains pour refuser celle mise sur notre droit au respect, de l'audace, haussons notre tête biscornue pour élever nos défauts au rang de valeurs uniques et anticonformistes et pour mieux regarder celui à qui nous ferons l'honneur d'être choisi pour être notre compagnon (beau ou moche, mais riche serait un plus).

 

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