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je vis, je dis, je ris ...ou pas
31 mars 2013

ZAllo, t'es où, vu que j'y suis pas

La révolution s'annonce portable.

Bientôt (ou déjà, cela dépend de votre niveau de connection), grâce à votre téléphone mobile,

vous pourrez conduire votre voiture (alors que pour l'instant, vous devez choisir : conduire ou téléphoner ou trouver un autre moyen d'emboutir quelqu'un),

commander chinois (ou plutôt obéir aux injonctions économiques du moins disant),

localiser votre interlocuteur (ce jour béni où nous n'aurons plus à sursauter au toujours surprenant : "t'es où" ?),

payer votre baguette (qui aura augmenté de 10 centimes pour que la boulangère puisse financer le serveur adéquat),

franchir des barrières réglées sur des ondes spécifiques (ce qui évitera la queue à l'entrée des clubs sélects et aux arabes de se croire refouler sur leur seul faciès, alors que c'est simplement parce qu'ils auraient pas la bonne fréquence),

parler le google traduction (ce qui permettra la diffusion de tweets hilarants sur les quipropos langagiers et les tactiques de drague se terminant par des gifles incomprises),

allumer votre cigarette (seulement si vous êtes à l'extérieur ou dans un lieu approprié),

calculer le nombre de calories que vous avez dans votre assiette (mais non être informé sur le genre d'ingrédients que vous devriez éviter d'ingérer parce que ces téléphones seraient sponsorisés par les huiles de l'agro-alimentaire),

lire (ce qui vous surprend à chaque fois),

prendre de belles photos (le mieux serait une application qui brouille les photographies de chat),

avoir une vraie conversation (ici, une application vous enverrait une décharge électrique à chaque centaine de textos échangés, pour vous forcer à téléphoner, ne serait-ce qu'à l'horloge parlante ; si vous appelez votre mère, vous aurez un bonus de 30 sms)...

Bref, le portable serait annonciateur de progrès. Je le vois plutôt signe de dépendance malsaine.

Vous sortez avec une amie, vous devez attendre qu'elle ait fini de consulter ses emails pour lui demander si elle ne trouve pas que le temps est pourri.

Vous essayez d'apprendre la conduite à des gamins bientôt responsables d'un volant et à chaque feu rouge, ils sont obligés de vérifier le niveau de vie de leur téléphone, s'imaginant sans doute qu'ils risquent de louper le "tu fé quoi" indispensable. Vous siégez au sein d'un conseil municipal et vous solliloquez pendant que les autres membres éminents de l'assemblée tapotent, même pas discrètement pour informer leurs amis qu'ils s'emmerdent comme des rats morts. Ils ne savent pas quel thème est abordé et lever la main pour voter les exaspère parce qu'ils perdent le fil de leurs jokes. Peut-être, pour obtenir une infime réaction, faudrait-il leur envoyer un message pour leur annoncer qu'ils viennent de rétablir la peine de mort ?

La dernière fois que je suis allée à la Poste, la dame au guichet, prête à débiter son laïus publicitaire, m'a demandé, par courtoisie, si j'avais un portable. Lorsque j'ai répondu par la négative, elle m'a regardé d'un air sceptique, m'accusant de mentir pour ne pas entendre ses arguments pourtant primordiaux pour ma santé facturale. J'ai dû lui assurer à genoux, appelant ma fille à témoigner, que c'était vrai, je n'étais pas munie d'un appendice téléphonique et que je m'en portais ma foi fort bien, même s'il m'est arrivé d'attendre en vain mon fils à la gare alors qu'il était déjà rentré, même si, une fois installée devant le rayon viande, je ne savais pas si mon mari préférerait du boeuf ou du porc, même si passait devant moi un type trop bien habillé et que j'aurai bien chopé son style (en anglais dans le texte) inimitable pour mon blog de mode hyper tendance (sans lui demander la permission, parce que c'est pas de l'ordre du privé, quand l'inculcation des masses à l'esthétisme relatif est en jeu...)...

Mes enfants sont eux-aussi également étés épargnés par cette intrusion sournoise de l'extimité restreinte. Ce qui n'empêche pas mes enfants d'être accroc : pour l'ainé, à minecraft (il passe tous ces week ends, enfermés dans sa chambre, à parler de trucs incompréhensibles, mais au moins je ne me sens pas le seul parent à avoir loupé l'éducation de son enfant) ; pour la cadette, aux bonbons (à moins que ce soit au dentiste) ; pour le petit, à ce qu'il préfère du jour (chaque jouet a sa chance, mais une seule chance).

Conclusion : nous sommes dans l'ère de la télécratie qui impose la distance et  rend aphone toute revendication à l'égard personnel. Les révolutionnaires sont ceux qui promulguent la liste rouge !

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