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je vis, je dis, je ris ...ou pas
5 avril 2013

Juste des poux dans la tête

Il faisait beau ce week end. Ou du moins, un soleil pâle, nettoyé de sa torpeur par une bise virevoltante, planait au-dessus de nos têtes décoiffées. Nous marchions résolument. Ou du moins, j’essayais de suivre un rythme saccadé imposé par deux enfants à vélo, s’arrêtant à la moindre fatigue. La nature nous accueillait. Ou du moins, aucun insecte intempestif n’assaillait nos joues rougies.

A la vue de chevaux paissant tranquillement dans un pré verdoyant, nous nous extasiâmes sur la beauté des équidés et les impondérables de la vie. Du genre « il est tout mignon le poulain », « si on avait du pain, on aurait pu leur en donner », « non, on est trop loin et on arriverait pas à lancer plus loin que la barrière électrique ». Mon fils partit plus loin respirer les fragrances volatiles des lourdeurs terrestres. Ou du moins il roulait énergiquement sur sa trottinette pour en décrotter les roues. Ma fille m’ouvrit son cœur et nous entamâmes un dialogue tout en subtilité. Du genre « maman, j’ai quelque chose à dire », « oui, je t’écoute », « Oh non, je peux pas », ‘Mais si, dis-moi, maintenant que tu as commencé à parler, tu finis », Attends que les gens passent ».

Nous attendîmes donc que de charmants randonneurs sillonnent devant nous, offrant à nos regards, de délicieux sourires et un salut chantant. Ou du moins, ils empêchèrent leur chien, appelant la muselière, à s’acharner sur nos mollets.

Dans mon crâne, l’expectative s’emballait : ma fille allait-elle m’annoncer qu’elle avait un amoureux et qu’ils envisageaient sérieusement d’engager des préliminaires en calculant combien de mois les séparer de la gratuité de la pilule ; allait-elle m’annoncer qu’elle voulait changer de sexe, parce que la course des 800 mètres salto-arrière n’était ouverte qu’aux personnes testostéronement constituée ; allait-elle m’avouer que c’était elle qui avait tué le colonel Moutarde dans la bibliothèque avec le chandelier ; allait-elle m’apprendre que sa professeur d’anglais ne pouvait pas la saquer et l’avait collé 4 heures (Ah non, ça, elle me l’avait déjà dit) ; allait-elle me pleurer qu’elle avait été victime d’un attouchement de la part d’un de ses types bizarres qui se prétend paysan mais qui ne sait pas descendre de son tracteur ; allait-elle me supplier de l’amener voir Zoé la Pouf au Zénith, sinon elle se pendait avec son soutien-gorge ; allait-elle me déchirer le cœur, me dévoiler une horreur, me confier son bonheur !!!!

 Les promeneurs passèrent tels des anges dont les ailes auraient été déchus par l’aveu Cahuzac.

Ma fille inspira et expulsa : « Maman, j’ai des poux ! ». Ah, encore pire que tout ce que j’avais imaginé. Ou du moins, où les coupables étaient nombreux. « Depuis quand es-tu au courant ? », « depuis une semaine », « Et pourquoi tu ne me l’as pas dit avant ? », « parce que j’avais honte ». Et je me mets à me gratter la tête.

Avez-vous remarqué comme les poux, de même que les problèmes insolubles, sont les seuls à parvenir à vous faire gratter la tête instantanément, par une sorte de réflexe : vous illusionnez voir farfouiller partout des bestioles infâmes (ou des idées ineptes) sur votre crâne en ébullition.

« Des poux, à ton âge ! », m’exclamais-je pour la pourfendre un peu plus, elle qui était incapable de vous annoncer qu’elle était enfin une femme, qu’elle avait ses règles et qu’elle avait intérêt de faire attention parce que, maintenant, si elle embrassait un chou en caressant une cigogne, elle risquait de se faire piquer par une abeille et se retrouver enceinte (je sais que ma fille suit des cours d’éducation sexuelle et qu’elle sait parfaitement comment se conçoit un mouflet, mais c’est mon droit de perpétuer la transmission orale de légendes érudictives).

 Maintenant que s’ériger entre nous une barrière grouillante, j’hésitais à la serrer dans mes bras, me rappelant avec effroi qu’hier(et avant-hier, et avant avant-hier, et avant….), je lui avais souhaité bonne nuit avec insouciance. Mes mains se portèrent à mon chignon, prêtes à délivrer une horde de barbares salivant sur mon sang gorgé d’œufs de pâques. Je repris mon calme. Ou du moins, me défoulais en criant après le mioche en trottinette qui avait failli se faire renverser par une voiture. Je rassurai ma fille. Ou du moins je lui dis que j’avais assez d’argent pour acheter un produit dont l’efficacité n’était pas prouvée sauf à croire que les poux mourraient à la vue de publicités mensongères, et de tenue pour ne pas révéler son secret aux autres membres de la famille, à espérer qu’il ne le découvrirait pas sur eux prochainement.

 Epilogue : après plusieurs douches et un peignage acharné, ma fille a retrouvé une chevelure étincelante. Ou du moins dérangée que par quelques pellicules dénuées de tout appétit. J’ai écrit au collège pour m’offenser contre leur manque d’hygiène, leur apprenant que leur rôle était de donner envie aux élèves de s’abreuver aux sources du savoir et non de faire savoir aux poux qu’ils avaient à disposition une source de données inépuisables. Ou du moins, je m’en suis abstenue pour que ma fille ne soit pas montrée du doigt (celui non occupé à se gratter le cuir chevelu). J’ai lavé des couettes qui n’en sont jamais revenues au blanc originel. Et j’attends….j’attends un autre moment privilégié où ma fille m’ouvrira son cœur. Ou du moins se contentera de m’annoncer que, maintenant qu’elle a obtenu son doctorat de biomécanique avancée, elle envisage de se chercher un petit copain, pas trop crétin.

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