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je vis, je dis, je ris ...ou pas
17 avril 2013

Voyage scolaire jusqu'au bout de l'angoisse

Pourquoi ne constitue t'on pas une cellule psychologique pour soutenir les parents dont les enfants viennent de partir en voyage scolaire ?

Pourtant, il est avéré qu'il existe un sentiment de suspiction et de méfiance vis-à-vis des professeurs, dont la compétence et les qualifications sont sans arrêt interrogées par le biais de classifications presque hebdomadaires des lycées, collèges, maternelles susceptibles d'offrir les meilleures conditions de scolarisation (sur la base de critères objectifs : ergonomie des chaises, propreté du tableau numérique, proximité d'un quartier à surveiller, élitisme des langues enseignées...) à votre enfant pour lui permettre d'espérer obtenir le sésame d'une grande école.

Mais voilà que des parents, en plein désarroi quant à l'orientation future de leur progéniture, sont amenés, pour démontrer qu'ils sont dotés d'un bon esprit d'ouverture et d'une excellente capacité à parlementer échéance avec leur banquier, à confier ceux pour qui ils ont le plus investi à ces damnés de la vocation.

Et rien n'est programmé pour les maintenir au degré zéro d'angoisse.

Ils doivent le sourire éclatant jusqu'à leurs pattes d'oie applaudir l'initiative, ne pas exposer leur inquiétude et saluer avec bonheur les fruits de leurs entrailles prenant place dans un énorme bus, heureux de quitter les pressions sociétales et éducatives.

Ils n'ont bien sûr pas su s'empêcher de leur conseiller pour la vingtième fois d'étaler de la crème solaire sur leur peau si fragile, de les prévenir que, s'ils ont le malheur de perdre la Ds qu'ils tiennent tant à emporter pour se distraire pendant le long trajet aller et RETOUR, elle ne sera pas remplacée par leurs deniers _ sachant qu'ils ont déjà approvisionné une somme pour remplacer tout ce que les étourdis allaient semés au gré de leur distraction _, de les alerter sur les dangers de la route dominée par des fous d'italiens qui utilisent plus leurs bras pour expliquer pourquoi ils ne peuvent tenir le volant que pour tenir le volant, de les sermonner sur les larmes qu'ils n'ont pas l'intention de verser et sur l'argent de poche qui doit être dépensé avec parcimonie même si ces fous d'italiens ne savent pas voter avec discernement, de les embrasser bien fort en leur demandant de ne pas appeler pour ne pas user les forfaist ou si peu, pas tous les soirs ou presque, et de rester jusqu'au bout pour s'assurer que le chauffeur était bien capable de démarrer et de manipuler son gigantesque engin.

Les parents sont rentrés chez eux, un peu plus seuls, un peu plus inquiets sur l'avenir du monde. Et ils entrent en suspension...

Le soir, ils essayent de le pas y penser, mais un appel à 22 heures passés les fait bondir. C'est leur fille qui, grâce à un portable d'une amie (ils n'ont pas souhaité obéir aux sirènes alarmistes d'un commercial leur promettant qu'un mobile leur permettrait de toujours garder un cordon ombilical sur leur enfant), leur apprend qu'elle va franchir le tunnel de Fréjus. L'appel est bref pour ne pas tout consommer : ils déclarent leur amour et raccrochent, essayant de calmer les battements de leur coeur en se concentrant sur le dénouement de la passionnante énigme que doit résoudre le nouveau inspecteur Barnaby.

Le lendemain matin, ils partent au travail sans trop réfléchir. Peut être écouteront-ils avec attention la radio pour savoir si un accident gravissime impliquant de nombreux collégiens d'un pauvre collège de campagne n'est pas survenu par la faute de la fatigue, de la pluie, du soleil éclatant, d'un choucas maladroit, d'un PROBLEME DE FREINAGE, d'un italien contestant contre le fouillis politique.

Le soir, ils rentrent calmement pour se précipiter sur le téléphone, afin d'appeler la messagerie que les professeurs ont assuré remplir régulièrement pour donner des informations sur l'intégrité des enfants qui leur sont responsabilisés. Après d'immortels "cet appel coûtera 34 centimes la minute", "tapez étoile", "tapez un", "ne tapez pas si fort sur les touches", "ce préambule est pré enregistré et vous aurez beau pesté, vous ne m'empêcherez pas de parler", on vous donne l'autorisation d'accéder à la délivrance. Mais là c'est un laconique, "pas de message enregistré" qui les accueille. Déroutés, ils s'enlacent et se rassurent en se racontant que les hôpitaux ne sont pas surchargés, la gendarmerie fiable et la police pas trop arrogante.

Ils dorment.

Le lendemain, ils repartent pour leur routine, l'estomac étreint par un doute dont ils doutent de la pertinence tout en redoutant sa concrétisation, et ils passent plus de temps à consulter le site du collège ou celui du journal régional, qui raffole des faits divers macabres, qu'à boucler des dossiers qui ne sont urgents que pour ceux qui n'ont pas d'enfants entre les mains incertaines de l'éducation nationale.

Le soir, à nouveau, malgré le fait qu'ils avaient demandé qu'on leur envoie un sms pour leur avertir en cas de réception d'un message, mais ne voulant pas croire à la perfidie professorale, ils consultent le serveur vocal : "pas de message enregistré" !!!

Ils tempêtent, ils arrachent les tissus de leur incertitude, prêts à s'emparer de la faux légendaire pour aller jusqu'aux portes de ce funeste collège qui a su endormir leur confiance pour s'emparer de ce qui leur avait coûté le plus cher.

Ils veulent être rationnels, alors que dans leur cerveau embrumé se dessinent les destins les plus funêbres : une prise d'otages, un tremblement de terre, une bombe aveugle, un enlèvement par un italien s'opposant à l'américanisation de la pizza di formaggio con quattro...

Ils vont se coucher et tirent à eux la couverture comme un linceuil, d'où pourrait surgir une image réconciliatrice.

Et puis le téléphone sonne... Pour ne pas céder à la panique, ils se ruent sur le combiné, respirent un grand coup et le présentent à leur oreille prête à toute catastrophe. L'interlocuteur peine à s'exprimer. Est-ce un deuil qu'il doit annoncer ?

C'est leur fille ! qui leur pépie qu'elle a pris une douche froide et a visité un volcan dégageant une odeur à faire vomir plusieurs adolescents envahis par leurs hormones.

Les parents, réjouis, ne veulent pas exprimer leur soulagement (ils auront le temps, une fois leur fille à nouveau certifiée de leur amour, de sortir et de hurler leur joie à la lune en bondisant pour s'entraîner dans une danse clamant la victoire de la confiance sur la fatalité) et écoutent les doléances de leur fille avec clémence et fierté, comme si elle leur annonçait qu'elle avait réussi à décrocher un doctorat et à dégoter un gendre richissime (pas un footballeur, trop rapace).

La paix est revenu dans le foyer déserté des parents qui, pouvant de nouveau respirer normalement, se promettent d'incendier la principale incapable d'inculquer à ses professeurs la politesse et de leur rappeler leur objectif premier : rassurer les parents et leur faire croire qu'ils sont à même de conduire les élèves, par delà les résultats hasardeux et les débouchés incertainsvers une réussite prometteuse.

Et on laisse les parents sans soutien psychologique, alors que le voyage dure 5 jours. Quelle misère et quel manque de compréhension ! Pauvre France.

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