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je vis, je dis, je ris ...ou pas
5 juin 2013

la chick lit ou comment la femme parle aux femmes

Aujourd’hui, je vais aborder (sans échouer) un sujet délicat : la sociologie de la trame narrativo-constructive du livre de midinette post-pubère et pré-ménopause.

 Tout d’abord, il vous faut une héroïne : une jeune femme abordant la trentaine avec lucidité et écœurement, ou entamant sa quatrième décennie avec la détermination de ne pas croupir dans le bas du panier (c’est-à-dire qu’on ne se contente pas de lui mettre la main au panier, mais qu’on la considère pour ses autres arguments que fessier, pour s’engager avec elle dans un imbroglio mêlant suspens et fin prévisible). L’héroïne ne peut avoir 20 ans, car alors elle n’a pas de difficulté à trouver de partenaires ou est trop accaparée par ses stages non rémunérés pour s’inquiéter de son capital retraite ; ni plus de la quarantaine, car alors le héros adéquat risque de frôler la cinquantaine, et il faut se l’avouer, un type à cinquante ans qui reste fringant et attirant, cela ressort de la métaphysique abstraite.

 Notre jeune et délicate amie ne crache pas sur l’alcool, sur le phrasé imagé et les répliques cinglantes, dignes d’un arrêt sur mots de 10 secondes pour permettre aux applaudissements, aux tapes sur les cuisses et aux esclaffations de s’exprimer.

Physiquement, elle ne doit pas être canon (sinon la lectrice peut la prendre en grippe et ne lui attribuer aucun mérite à attraper l’apollon du coin), elle doit être complexée : elle se trouve soit trop grosse, soit trop frisée, soit trop grosse, soit trop échevelée, soit trop grosse. Elle est entourée d’amis époustouflants, prêts à se couper un bras pour elle : une doit avoir des problèmes de couple, une autre, un boulot époustouflant et être une amante insatiable, mais finir par jeter son dévolu sur un gars simple et au top sexuellement, une autre doit être un homosexuel qui ne tombe jamais amoureux du type qu’elle convoite (l’amie lesbienne est moins fréquente, pour ne pas jeter d’ambigüité sur l’intrigue et un trouble dans l’esprit de la lectrice : le convoité dominant, c’est le mâle !).

 Elle n’a pas un super boulot, mais attention elle n’est pas pour autant caissière à Carrefour ou poissonnière (à la limite, elle a débuté par quelques extras en tant que serveuses de bar, ce qui lui a donné l'occasion de faire de superbes rencontres qui lui ont donné l’idée d’écrire sur la philosophie dithyrambique du comptoir d’un soir, ce qui lui a permis de se faire remarquer par un grand rédacteur qui lui a proposé un poste de pigiste à la machine à café), elle travaille dans un bureau, où l’ambiance est sous pression, les collègues vachardes et le grand patron bien brave. Le mieux est qu'elle travaille dans le milieu journalistique, où notre héroïne se verra confier la rédaction d’un ou deux articles sur des sujets inintéressants où elle pourra faire des étincelles, ou rien du tout s’ils ne sont qu'un prétexte dans l'avancement poussif du scénario. Elle gagne suffisamment bien sa vie, mais aime le danger et frôler le découvert en dégainant sur des louboutins ou autres chaussures de marque avec lesquelles elle sait tomber avec disgrâce.

 Car sa caractéristique principale c’est qu’elle est gaffeuse. Alors que sa rivale, gracile amazone dotée d’un corps de rêve et d’une intelligence hors pair, mais d’aucun sens de l’humour (ce qui lui vaudra d’être rejeté par l’Homme qui préfère se fendre la poire plutôt que de faire saliver ses copains), notre héroïne est atteinte du syndrome de la poisse carabinée, dont nous-mêmes, nous ne pourrions être victimes que si nous cassions 7 miroirs, rencontrions 15 chats noirs et passions sous 20 échelles.

 Elle ne peut pas poster une lettre, sans que sa robe légère s’accroche au guidon d’un cycliste, se déchire et dévoile un maillot de bain kaki à fleurs jaunes achetée par sa petite sœur et qu’elle n’a revêtu que parce qu’elle n’avait plus de petites culottes sous la main, le lave-linge automatique en-dessous de chez elle ayant été incendié par des voyous, qu’elle a croisés juste avant qu’ils perpétuent leur forfait, même qu’elle leur a tenu la porte pour qu’ils puissent entrer, vu qu’ils avaient les mains chargées d’un arsenal divers, ce qui fait que la police la suspecte d’être leur complice et lui a demandé de leur communiquer son agenda-alibi et comme son ordinateur est en panne, parce qu’elle a renversé du café dessus en essayant d’exécuter un exercice de yoga, pour se relaxer, après une journée où son chef adoré lui a annoncé qu’il partait à la Barbade et laisserait sa place à l’affreuse Pixil, qui affectionne de lui demander d’aller interviewer la star-réalité du jour en sachant très bien que celle-ci ne lui déclarera que quelques onomatopées exclusives sentant le javeldire à tout le monde, elle n’avait comme solution que de poster les pages décompromettantes.

 Car notre héroïne doit être gaffeuse, mais ses mésaventures ne doivent pas ressortir du quotidien du tout venant. Elle ne peut pas être en retard pour regarder Plus Belle la Vie, quitter précipitamment son poste où elle essayait de battre son record à tetrix, pour se précipiter chez elle, chercher fébrilement les clefs dans son sac pendant qu’une envie pressante la taraude, trouver ses clefs, les échapper, les ramasser, essayer d’enfoncer les clefs dans la serrure tout en se tortillant pour ne pas commettre une fuite irréparable, les échapper à nouveau et oups, se liquéfier sur place, pendant que son beau voisin surgit et galamment lui tend les clefs tombées.

 Non, elle doit laisser tomber son portable dans des lieux improbables (sous l’oreiller de Gandsha qui lui tourne autour mais avec lequel elle n’a échangé que quelques baisers dépassionnés pour se consoler de l’indifférence détachée d’un héro qui craint de souffrir parce qu’il pense que la godiche qui rougit au moindre tressaillement de ses cils n’est pas amoureuse de lui), se saouler et enthousiasmer toute une salle qui scandera son prénom sur le rythme du hip hop endiablé dans lequel elle se sera couler avec l’élégance d’un hérisson écaillant une casserole, se retrouver avec un plombier étendu mort sur le carrelage de sa salle de bain, habillé en tutu, un poulet dans la main gauche et un plumeau dans la main droite, avoir rompu avec un ex qui a encore des sentiments pour elle, mais qui lui révèle son égoïsme en l’invitant à l’opéra, alors qu’il sait très bien que son père a trompé sa mère avec une chanteuse de cabaret.

 Parfois, elle a un ou des enfants et ceux-ci ont hérité son sens de la gaffe : ils ne se contentent pas d’appeler désespérés par que leurs « copines » ont révélé à tout le collège (20 personnes sur 400) qu’ils avaient des poux. Non, ils se proposent comme coiffeur amateur pour gagner de quoi se payer la dernière nudanledo, que maman ne peut leur acheter parce que le banquier a dit qu’il ne pouvait plus prêter de l’argent aux gens qui avaient pondu un article désagréable sur l’exploitation agiotique, et se font renvoyer trois jours parce qu’ils se sont inspirés de la coupe magnifiquement rétrospeed du principal. Ou ils essayent de dégoter un amoureux à leur mère désespérée et inutile puisque seul le bonheur lui donne envie de les approvisionner en leur dose indispensable d’accessoires branchés. La plupart des moins de quatre ans parlent 4 langues et pratiquent 5 instruments, la plupart des plus de 11 ans vivent une crise amoureuse qui retentit sur leurs résultats scolaires. Pas de problème de drogue, de trouble alimentaire ou envie suicidaire, juste des gaffes, des gaffes, des gaffes et pas une baffe !

 Alors que, nouveauté fin 2012-2013, un soupçon de sado-masochisme remplace l’effeuillage humoristico-erotique. La fille flaire toujours le mâle, celui-ci lui fait toujours mal, mais sa soumission est moins discrète ; leur relation moins subtile, mais plus émoustillante. Si des menottes sont mises, ce n’est plus par inadvertance et s’il y a demande en mariage, la corde au cou est un supplément d’âme.

 La question est pourquoi nous, des femmes complexées, ayant un boulot merdique (parfois de représentante directrice générale de lingerie pas fine), avec un mari au sujet duquel nous nous demandons pourquoi tout ce jeu de séduction pour ça ..;et parfois des gosses, dont les gaffes ne nous font pas rire, lisons des bouquins de ce genre. Pour nous détendre et nous évader ? Ou pour nous dire que punaise donnez-moi un stylo et je vous écris la même chose ? Ou parce que, quand même, elles ont quelque chose de plus que nous ces filles : quelqu’un qui leur écrit du tac-au-tac hyper bien torché.

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