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je vis, je dis, je ris ...ou pas
11 octobre 2013

Une messe ratée, une heure sauvée

Il est arrivé que certaines personnes se trompent d'enterrement (ma mère s'en régale encore). Vous arrivez, en retard comme d'habitude, la tête enturbannée de chagrin et les habits larmoyants, impatient de revoir la tante Ursule que vous n'avez pas revu depuis votre petite communion  et qui doit bien avoir dans les 80 ans trépassés, secoué d'avance par l'homélie de circonstance n°38 issue du "livret de messes en vain" édité chez l'Incroyable, prêt à brandir vos condoléances avant d'enfourner les canapés au saumon, quand ...le curé se met à bénir un Jean-Louis, alors que vous déplorez une Jeannine. Vous avez alors deux solutions : rester concentré et muselé votre étonnement, puis votre fou rire en chantant plus fort que la catasfiore grabataire qui fait office de chorale ou pleurer, parce que, même pour célébrer sa mort, Jeannine  ne peut pas compter sur vous...

Moi, c'est la messe d'un mariage que j'ai loupée. Partie un peu en retard comme d'habitude, habitée par l'ennui à venir de subir une litanie de sermons d'obéissance et de promesses de fidélité et de quêtes de deniers et de cris d'agonie de gosses encagés dans un tombeau ouvert où des statues ensanglantées se disputent les échos encensés par l'aspiration du vide à la profondeur, je me suis engoufrée dans ma voiture et suivie les instructions d'un mari qui nous rejoindra plus tard, étant le témoin d'un second mariage (avez-vous remarqué combien nous sommes nombreux à souffrir de la malédiction de la coïncidence des dates : dans votre agenda vierge, frustré et mal biaisé, vous n'avez qu'une case de cocher et paf, vous pouvez être sûr que ce jour là va attirer toutes les sollicitations : méchoui, bar mitzvah, rage de dent, bouche-trou suite à désistement. Et les autres jours alors ? Rien....rien qui ne puisse vous justifier à décliner une invitation chez votre belle-mère....chienne de vie, va !).

Vous ais-je déjà présenté mon mari ? Je veux dire présenté avant que de lui avoir roulé dessus en le maudissant de son étourderie. C'est (c'était) un homme fort aimable, direct et malléable, avec une certaine tendance à l'embonpoint (rien qu'un bon pneu ne saurait aplatir). Il m'a dit :  le mariage a lieu à l'église d'U. à 10 heures. Que ferait toute femme normalement constituée ? Elle aime son mari et n'a aucune raison de douter de son intégrité (avant passage de roues acérées), surtout qu'il a appelé les futurs mariés pour s'excuser, sa mère pour se faire engueuler d'être bigame et accessoirement lui demander confirmation de l'heure.

Donc je prends la voiture, emmenant avec moi les enfants et ma mauvaise humeur. Première surprise : je constate que ma voiture, que je prends quotidiennement pour effectuer mes petits trajets campagnards, refuse de dépasser les 100 km/h alors que nous sommes sur l'autoroute. Ne souhaitant pas que le moteur parvienne avant nous à destination, je la laisse rouler à sa mesure, profitant de cette vitesse sereine pour admirer, non pas le paysage passablement linéaire et routinier, non pas le ticket craché par une borne de péage passablement littéraire et rancunière, mais les hobbies des autres automobilistes occupés à me doubler avec plus ou moins d'amabilité : ainsi, put - on admirer la prouesse d'un conducteur capable de tenir le volant d'une main et d'agiter une marionnette de l'autre afin de calmer des mioches en train de chialer à l'arrière ; nous pûmes également admirer sa dextérité à virer de justesse avant de frôler la rambarde de sécurité.

Ma minute de retard prévisionnelle atteignait péniblement la quinzaine, quand nous franchimes le panneau annonçant notre destination. Pour se diriger à l'intérieur de la ville, aucune difficulté, les églises ayant été conçues avec une appendice conique perceptible par n'importe quel humain doté d'un cou giratoire et de yeux inquisiteurs. C'était jour de marché, mais une place libre s'offrit facilement à moi. Nous jouâmes quelque peu à cache cache avec l'église, lorsqu'elle se révéla devant nous, dans toute sa simplicité et sa placidité. Heu...pas un bruit, pas une note, pas un chat, pas un pélerin...lorsque j'entrais dans l'église pour reprendre mon souffle divin, un silence cérémonial m'accueillit. Juste quelques officiants plaçaient des feuillets sur des chaises inoccupées. Zut, étais-je en avance ? Je m'enquis auprès d'un jeune homme courtois de l'heure à laquelle débuterait ce p.... de mariage. Il me répondit qu'aucun mariage n'était prévu aujourd'hui, juste un baptème.

Aaah ! Je demandais alors s'il n'y avait pas une autre église à U. qui aurait échappé à ma dextérité orbitale. Il hésita, demanda à un des musiciens, qui concéda que la ville renfermait une chapelle, peu digne de s'y attarder. Me souvenant que la dernière fois que j'eus l'honneur de fouler cette terre pieus pour le baptème du fils du couple à marier, cela  s'était déroulé dans cet endroit si discret, je me maudis mon mari pour son imprécision et fonçais, les enfants sur les talons (avec leur estomac), à la chapelle... Enfin,... cette dernière étant complexée par rapport à l'église, elle refusait de s'étendre au-delà des apparences et je dus demander à une gentille guichetière de la poste mon chemin. Arrivés devant la chapelle, celle-ci nous sembla aussi prometteuse que l'église, en ce sens où je ne sais ce qui semblait le plus désert : le parking ou mon esprit vidé de toute idée. Nous fimes un tour, deux tours pour relancer notre élan. La mairie !

Je décidais d'aller à la mairie où, ce matin, les époux s'étaient consentis (alors que je me sentais seulement con), pour savoir s'ils n'avaient pas également avouer devant monsieur le maire leur destination si secrète qu'ils refusaient de la divulguer à leurs invités... La mairie était fermée : une conspiration, j'étais le pion d'une conspiration. ..

Bon, nous sommes au XXIème siècle, il ne me restait plus qu'à essayer l'arme ultime : la cabine téléphonique. Oui, car bon, je suis une rebellieuse et même si parfois ça m'em... d'être une rebellieuse incapable de joindre quelqu'un qui pourrait me dire où se déroule cette p.... de messe de tous les diables, je dois m'assumer et constater que je ne possède pas de téléphone portable pour me tirer de cette épineuse affaire. Après quelques routes hantées par mes halètements, les silences de mon aîné (il a l'expérience, il sait que s'il l'ouvre, j'explose), les gémissements de ma fille et les râles du petit dernier (qui m'a fait exploser), nous nous agenouillons, reconnaissants de tant de bonté, devant la SEULE cabine téléphonique d'U. ...qui marche, en plus : un miracle !  Je tombe bien sûr sur le répondeur du mobile de mon mari (n'en avait-il d'ailleurs pas un, de mobile, pourme fourvoyer à U. pendant qu'il louvoyait à Ch. ?). 

En retournant vers la voiture, maudissant mon mari sur les 20 générations précédentes, prête à rentrer au bercail  l'âme en peine (si, si, un petit peu en peine...), j'aperçois un nom qui me parle. Non non je ne deviens pas Jeanne d'Arc prête à bouter les anglais hors de la finance mais, sur ce panneau indicateur, c'est sainte Rita (la sainte des causes désespérées) qui m'apparait en s'incarnant dans ce lettrage parfait : je dois aller à C., ville où je me rappelle que doit avoir lieu le repas de noces.

Mes espoirs renaissent et, malgré les protestations de mon aîné qui commence à manifester des signes de manque, loin de son ordinateur, nous allons à C, au moins une demi-heure à l'avance (je ne décrirais pas cette demi-heure d'attente, avec trois gosses affamés, déchirant mon sac à la recherche des trois pastilles de V. que j'ai eu le malheur de déclarer... elle a valu à mon mari un passage de voiture en plus). Nous entendons les klaxons annonciateurs de liesse (ou de soulagement après 1 heure sous les auspices d'un dieu ténébreux). Je prends la mine contrite et je m'excuse de me contenter de mettre les pieds sous la table, mais là tout de suite, j'ai besoin d'un bon remontant.

Et où donc avait lieu la messe épique  : à St E., un patelin paumé que je n'aurai pas trouvé de toute façon. Les voies du Seigneurs ne sont pas pour les cloches.

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