La recette de la galette au beurk

Parfois, quand je suis d'une humeur primesautière et qu'une alacrité débordante étouffe mon indolence habituelle, qu'une envie soudaine d'aimer mon prochain m'étreint au point de me rappeler que le Mysanthrope est une pièce de Molière et non pas le découvreur de Grégoire ("Toi et Moi" est une incitation au suicide....j'englobe les chansons suivantes puisqu'elles suivent la même monocordie), je me pique de taquiner la muse "Maïte", celle reconnaissable à sa couronne d'anguilles et à son rouleau à patisserie.

Pour concocter des galettes surprises, il vous faut :

- 2 tranches de potiron (préemballées, pesées et étiquetées, évitant à votre fille d'être traumatisée à vie si elle vous apercevait, le tablier tâché, le visage rougeaud et transpirant, brandissant un immense couteau pointu pour trancher la tête de M. Potiron)

- une poignée de pommes de terre (ou plus, selon la taille de votre poignet et de votre appétit)

- les deux derniers oeufs (tremblants et gémissants dans leur carcan en plastique, impatients de se blottir dans la chaleur de vos mains pour connaître l'extase d'un éclatement brutal)

- un peu d'emmental râpé (ce que vous aurez pu sauver de la rapacité de votre fils)

- du sel, du poivre, du beurre (les ingrédients indispensables qui sévissent sur toutes les tables de la ménagère qui ne sait pas cuisiner mais pense y arriver)

Vous coupez tout ce petit monde en morceau, vous mélangez, en prenant soin d'y retirer les quelques doigts qui y sont tombés. Vous goûtez, vous rajoutez du sel, du poivre, du lait, de la crème, du bleu. Comme vous trouvez cela toujours aussi mauvais, malgré le fait que vous n'avez utilisé que des aliments sains (sans maladie professionnelle déclarée), certifiés appréciés par votre palais, vous décidez qu'il vous faut un cobaye pour confirmer ou infirmer votre jugement ; au hasard....votre mari, celui qui a pris deux fois votre ragoût d'épinard à la sauce bizarre.

Avant de lui servir ce plat dont le fumet commence à vous asphysier, vous décidez, envahie par un génie fugace et funeste, de faire revenir (non pas votre belle-mère qui n'a plus mis les pieds chez vous depuis que vous lui avez servi votre spécialité : "n'importe quel sachet surgelé cuit en 7 mn") la mixture à la poële. Lorsque la chose adhère au teflon au point de ne plus pouvoir distinguer ce qui est poële et ce qui est cramé, c'est cuit... Grattez énergiquement jusqu'à ce que vous parveniez à détacher la galette dans l'assiette blindé (comme son estomac) de votre cher époux.

Lorsque ce dernier, le sourire figé et le sourcil un peu froncé, vous demandera, du ton de celui qui est condamné à vivre une expérience inédite et espérons - le unique, "qu'est ce que c'est ?". Vous soupirerez, de l'air de celle qui se décarcasse à longueur de journée pour nourrir sa famille et qui est remercié par du scepticisme et de la mauvaise volonté. L'oeil revolver et le coeur révulsé (l'odeur est vraiment insupportable), vous lui répondrez : "Manges donc, c'est de la galette surprise. Et dépêches - toi, tant que tu es chaud".

Votre mari, qui est un galant homme, s'exclamera "c'est tout pour moi, tu n'en veux pas ?". Offusquée qu'il puisse penser que vous pourriez goûter à ce truc, vous lui rétorquerez séchement "Dis tout de suite que c'est pas bon." Avalant sa glotte bruyamment (au moins quelque chose qu'il appréciera), il enfournera une première bouchée, une deuxième. L'assiette vide, il vous regardera, les larmes affleurant à ses yeux tout attristés, prêt encore à se sacrifier pour le dessert surprise. Prise de pitié, vous vous jetterez à ses pieds, lui promettant de ne plus jamais faire de chimie et pour fêter cela, vous irez ouvrir une bonne boîte de fruits au sirop.

Comments

[Lance-L-eau]

Excellentissimement drôle, tout est parfaitement mis en place, je pense pour amuser la galerie immense de la blogosphère que tu devrais ouvrir un autre blog de recettes celui là que tu détaillerais de cette manière si heu..féminine? Oui on va dire ça. Trop drôle. Bises de l'avant dernier lundi de janvier.